Dumas est dans la rue en février 1848, pour ce qui lui apparaît comme une nouvelle révolution romantique. Mais en mai et juin, c’est fini. Le peuple, pour lequel il croyait s’être battu en 1830 et en 1832 (lire les articles 1830 : Paris se révolte et Au milieu des manifestants de juin 1832 à Paris), est devenu à ses yeux un être brutal et repoussant.
Ce qui fait l’avenir de la République, c’est justement ceci, qu’il lui reste beaucoup à faire dans l’avenir. Laissez-la donc d’abord être République bourgeoise ; puis, avec l’aide des années, elle deviendra République démocratique ; puis, avec l’aide des siècles, elle deviendra République sociale.
Alexandre Dumas. L’Événement, 7 août 1848.
Hugo est royaliste avant 1848, et républicain ensuite. Dumas est républicain jusqu’en 1848.
1847. Sa gloire est au sommet, et le château de monte-Cristo à Port-Marly en est encore aujourd’hui le symbole, même s’il ne l’habite que quelques semaines avant d’en être chassé par ses créanciers.
À l’angle de la rue du Faubourg du Temple et du boulevard du Temple (qui, à l’époque, traverse du nord au sud ce qui va devenir la place de la République), Dumas a ouvert cette même année son propre théâtre, le Théâtre historique. Il est aussi l’auteur de romans feuilletons que s’arrachent les journaux.
Il demeure alors 3 cité de Trévise (puis 7 avenue Frochot en 1850-51).
Mais la révolution de février 1848 fait fuir le public des théâtres. Comme, quinze ans plus tôt, le drâme hugolien s’est peu à peu heurté à l’indifférence puis à l’hostilité du public, les pièces historiques de Dumas font alors pâle figure devant le spectacle de la rue. Ses comédiens doivent se faire embaucher par les Ateliers nationaux crées par la toute jeune République.
Après février, il collabore à La Liberté et à La France nouvelle et tente avec persévérance, en avril, en juin, en novembre, de se faire élire député. Mais il ne réussit pas ce que réussissent son confrère Eugène Sue en avril 1850 et d’autres écrivains romantiques en 1848-1849 : faire de leur lectorat un électorat ; se faire identifier aux personnages de leurs romans, issus du peuple et combattant pour lui.
Ces échecs successifs le déçoivent profondément. La manifestation qui envahit l’Assemblée nationale le 15 mai - Dumas est présent dans la tribune de la Chambre, pour le compte du journal La Liberté -, le dégoûte du peuple.
Après juin 1848 et l’élection, en décembre, d’un neveu de Napoléon 1er comme président - que Dumas soutient au début-, Hugo s’est plongé dans l’écriture des Choses vues, notes au jour le jour qui montrent l’état de construction permanente de la République.
Dumas, lui, incapable d’analyser la révolution de juin, s’immerge dans la rédaction de ses Mémoires, débutés en octobre 1847 alors que Le Siècle commence la publication du Vicomte de Bragelonne.
Après le Coup d’État de décembre 1851, il s’exile à Bruxelles, à l’hôtel de l’Europe, puis 73 boulevard de Waterloo. Il y côtoie son ami Hugo, dont il commence d’écrire une biographie. Dans la capitale belge se sont aussi réfugiés l’éditeur Pierre-Jules Hetzel (qui poursuivra depuis Bruxelles son travail d’éditeur, se rendant parfois en secret à Paris pour régler des affaires), Edgar Quinet, Adolphe Thiers…
La Presse d’Émile de Girardin commence la publication des Mémoires en 1852, après avoir publié ceux de Chateaubriand entre octobre 1848 et juillet 1850.
Dumas est de retour à Paris en 1853 lorsque ses créanciers acceptent un accord. Il emménage à l’Hôtel Louvois, et installe en même temps les bureaux de son journal Le Mousquetaire (qui poursuit la publication des Mémoires) dans une aile face au restaurant La Maison d’or, 1 rue Laffitte. Il a un logement au-dessus, au 3e étage.
Ses adresses suivantes sont le 77 rue d’Amsterdam de 1854 à 1859, puis le 11 rue de Vintimille en 1859.
Ses Mémoires sont achevés en 1855 mais ne courent que sur les trente premières années de sa vie (celles qu’il peut le plus facilement transformer en épopée) : 1802-1833.
Sources :
1848, Une révolution du discours, éditions des Cahiers intempestifs, Saint-Etienne, 2001.
Mes Mémoires. Alexandre Dumas, collections Bouquins, éditions Robert Laffont, préface de Claude Schopp.
Il me semble qu’il y ait une erreur dans cet article. En 1848, contrairement à son ami VICTOR HUGO qui a soutenu, allez savoir pourquoi ? la candidature du prince Louis Napoléon Bonaparte, A DUMAS a soutenu celle de CAVAIGNAC qui n’était pas vraiment un républicain, mais qui se prétendait tel, comme d’ailleurs son adversaire L N B .
Que d’autre part, tout comme son ami VH , il ait eu des réticences à l’égard des mouvements de la rue, c’est certain. L’un comme l’autre étaient des bourgeois. Mais on ne voit guère dans les 20 ans qui ont suivi qu’il ait fait allégeance à LNB devenu napoléon le petit, il était toujours en accord sur ce point avec VH .
"Hugo est royaliste avant 1848, et républicain ensuite. Dumas est républicain jusqu’en 1848."
C’est un peu rapide… Sur l’évolution de Hugo, bien plus complexe et nuancée (orléanisme, bonapartisme, …) voir J-F. Kahn "L’extraordinaire métamorphose : Hugo de 1847 et 1852" et surtout les monumentales biographies d’Hubert Juin ou, plus récente, de J-M. Hovasse.
Dumas restera un républicain "affectif", fort peu théoricien, un peu comme George Sand quoique non socialiste. Pour preuve son compagnonnage avec Garibaldi à Naples.
Sinon, bravo et merci pour les précisions données par votre page. Bien à vous, P.M.
Le 1er mars 1848, il a fondé le journal Le Mois que certains eurent vite fait d’appeler « Le Moi » : c’était « un mensuel historique et politique, entièrement rédigé par Alexandre Dumas ». Il coûtait 4 francs par an. Avant de cesser sa parution (février 1850), il eut 26 numéros foisonnant d’excellentes « choses vues » dans le Paris de la IIe République. Le 20 mai 1848, il prenait la direction littéraire du quotidien La France Nouvelle, qui ne put dépasser le 20e numéro.
LES DOMICILES PARISIENS D’ALEXANDRE DUMAS
1.8/04/23 à 20/02/24 1 place des Italiens (4ème étage)
2.20/02/24 à fév. 29 53 rue du faubourg Saint-Denis (2ème étage sur la rue)
3.mars 29 à 1831 25 rue de l’Université (au coin de la rue du Bac), (4ème étage)
4.mi-sept.31 à déc. 33 40 rue Saint-Lazare (square d’Orléans) (3ème étage)
5.déc. 33 à mai 37 30 rue Bleue
6.1838-40 22 rue de Rivoli (4ème étage), balcon
7. août 43 à nov. 44 45 rue du Mont Blanc (= Chaussée d’Antin)
8.nov. 44-1847 10 rue Joubert
9. 1848 3 Cité Trévise
10.1849 43 rue Richer
11.1850-51 7 avenue Frochot (pavillon, avec sa fille)
12.août 50 à déc. 51 96 Bd Beaumarchais (4ème étage, avec Isabelle Constant)
13.nov. 53 Hôtel Louvois
14. 29/11/53 à sept. 54 La Maison d’Or, 1 rue Laffitte(3e étage, Le Mousquetaire au r-d-c)
15.1859 77 rue d’Amsterdam (avec sa fille)
16.sept. 54 à 1859 11 rue de Vintimille
17.mars-mai 1864 112 rue de Richelieu (angle du Bd Montmartre) (4ème étage)
18.1864-66 185 rue St-Honoré (coin de la rue des Pyramides)
19.1865 70 rue Saint-Lazare (meublé, avec Fanny Gordosa
20.1866-70 79 Bd Malesherbes
Entre temps, autour de 1830 loue des « petites chambres » : pour se rapprocher de Mélanie Waldor (sept. 27-1831) 84 rue de Vaugirard ;
loue pour sa mère, paralysée, 7 rue Madame (Rdc avec jardin)
loue pour Laure Labay et son fils, 63 rue de Chaillot
Sources : Archives de Paris Chantal Chemla : Les Amis d’Alexandre Dumas