Alexis de TOCQUEVILLE

à Tocqueville, Paris, Cannes
Le vendredi 29 août 2003.
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L’entrée du château de Tocqueville, près de Barfleur en Normandie.

J’ai toujours pensé, que dans les révolutions et surtout dans les révolutions démocratiques, les fous, non pas ceux auxquels on donne ce nom par métaphore, mais les véritables, ont joué un rôle politique très considérable.
Tocqueville, Souvenirs.

Écrivain magnifique (même lorsqu’il parle de politique), député puis conseiller général de la Manche entre 1839 et 1851, historien et sociologue, académicien en 1841 à 36 ans, il est tout cela avec un esprit indépendant, curieux et surtout visionnaire.

D’abord dans sa Démocratie en Amérique, qu’il rapporte de là-bas après un séjour-étude de neuf mois en 1831-32 avec Gustave de Beaumont, et où il met en relief les enjeux et les contradictions des régimes modernes. Dans son Ancien Régime et la Révolution (1856), aussi, où il décortique les causes de la Révolution française qui a failli trancher la tête de ses parents [1].
Ensuite dans ses engagements politiques : c’est lui le député qui, en janvier 1848, un mois avant elle, prédit la révolution qui renverse Louis-Philippe, porte pour un temps Lamartine au pouvoir, établit le suffrage universel et abolit l’esclavage et la peine de mort en matière politique. Tocqueville est l’un des auteurs de la constitution de 1848, avant d’être ministre des Affaires étrangères en 1849.

Reste que juin 1848 produit sur lui le même effet que sur les penseurs et auteurs de sa génération : voir la République attaquée par le peuple et entreprendre une sanglante répression, c’est d’abord un traumatisme ; c’est ensuite un coup dur porté à l’intelligence de l’Histoire, confirmé par l’élection d’un futur dictateur au suffrage universel.
Lorsqu’il compose en 1849-1850 ses Souvenirs, c’est sur un ton désabusé qui est bien dans l’air du temps : les peuples font l’histoire en aveugles. Il reconnaît son échec. Lui, le grand penseur de la démocratie, n’a pas su adapter sa pensée au contexte inédit du suffrage universel. Dans les années 1850, il axe sa réflexion sur l’importance de l’apprentissage de la démocratie. Constatant que l’individu a tendance à se replier sur des intérêts matériels, il prône l’importance de la religion et de la citoyenneté pour maintenir l’élan et le désir démocratiques.

Alexis de Tocqueville naît en 1805 à Paris, 12 rue de la Ville-L’Evêque. Il passe ses jeunes années dans différents châteaux. Celui de Tocqueville, au bout de la presqu’île normande, près de Saint-Vaast-la-Hougue et Barfleur, sera son préféré lorsqu’il le découvre en 1833. Face au château, après les champs, c’est la mer, et, après la mer (un peu à babord, tout de même), l’Amérique…
Entre 1817 et 1823, il réside dans l’hôtel de la Préfecture de Metz, puis 77 rue Saint-Dominique à Paris en 1824-1825. Alexis est nommé en 1827 juge au parquet de Versailles. Lorsque, en 1828, son père devient pair de France et s’installe à Paris, Alexis emménage 66 rue d’Anjou à Versailles, dans l’appartement de Gustave de Beaumont, jeune procureur du roi. Dans cette rue demeure également Mary Mottley, future femme d’Alexis.
Lors de la révolution de juillet 1830, il est garde national à Versailles, puis se rallie à Louis-Philippe. Contre l’avis de sa famille, il se marie en 1835 avec Mary, d’origine modeste. Un an plus tard, sa mère décède et Alexis hérite du château (qu’il accepte) et du titre de comte (qu’il refuse), partageant désormais sa vie entre Paris et la Normandie.
A Paris, il habite 11 place des Vosges, puis 12 rue de Bourgogne en 1836-1839, 11 rue de Castellane 1840-1845 et 30 bis rue de la Madeleine en 1847. Il désavoue le coup d’État du 2 décembre 1851 et ne donne pas suite aux avances de Napoléon III qui se verrait bien lui confier le ministère des Affaires étrangères.
Il décède en 1859 à Cannes, avant d’avoir mis la dernière main à son Ancien Régime et la Révolution. Il s’y était retiré dans la villa Montfleury, à mi-chemin entre les hauteurs de la Croix des gardes et la mer (pour découvrir tous les lieux de vie de Tocqueville, voir le beau site www.tocqueville.culture.fr).

Pour visiter le lieu
Le château de Tocqueville ne s’ouvre qu’exceptionnellement à la visite.

À voir aux alentours
- Boris Vian à Landemer,
- Jacques Prévert à Omonville,
- Jules Barbey d’Aurevilly à Saint-Sauveur-le-Vicomte,
- Rémy de Gourmont à Coutances,
- Octave Feuillet à Saint-Lô,
- Didier Decoin quelque part dans la Hague…
- Erik Orsenna quelque part dans le Cotentin…

Petite bibliographie
Alexis de Tocqueville, un monarchiste indépendant. Xavier de la Fournière, Librairie académique, Perrin, 1981.
Tocqueville et la modernité politique, Gilles Le Béguec, 2007, prix 12 euros. Editions Mille Sources, BP 102, 19003 Tulle Cedex.

[1] Ce douloureux épisode familial - ses parents ne devant leur vie sauve qu’à la chute de Robespierre - marque Tocqueville à jamais, d’autant plus que son père, imprégné de la philosophie des Lumières, est plutôt favorable aux révolutionnaires. Pour Tocqueville, le progrès social et politique peut se passer de révolutions.



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