Clémence ROBERT à Mâcon et Paris

Une romancière populaire socialiste sous le Second Empire
Le vendredi 26 mai 2006.

Peut-être aurons-nous un jour le bonheur de redécouvrir l’oeuvre de Clémence Robert, ignorée aujourd’hui par les éditeurs (de même que, dans ce même genre des romans historiques, celle de Maurice Maindron) ?

Le roman-feuilleton du Second Empire n’aime les employés et les ouvriers que soumis et laborieux. Le châtiment y attend les "mauvais pauvres", ceux qui contestent l’ordre établi. Clémence Robert fait dans ce cadre conformiste figure d’exception. Son discours socialiste préfigure celui d’un Michel Zévaco un demi siècle plus tard.

Elle naît à Mâcon en 1797. Après avoir perdu ses parents, elle retrouve son frère à Paris en 1827 et travaille en librairie pour gagner sa vie. Elle s’intéresse à l’histoire, lit Sue - son modèle - et Sand et se passionne pour la cause républicaine.

Senancour l’encourage à écrire et elle s’essaie à la poésie puis au roman historique, sans doute le seul moyen alors possible d’aborder des thèmes politiques et sociaux sans risquer la censure impériale. Le quotidien La Presse accueille ainsi sa Duchesse de Chevreuse et Jeanne la folle.
Elle participe à la Gazette des femmes au milieu des années 1840, à laquelle collabore également Virginie Ancelot, autre auteur prolixe de romans populaires.

Enthousiasmée par la révolution de 1848, Clémence donne à La République Les Trois sergents de la Rochelle en 1848-1849. C’est le succès. Le roman est publié en édition bon marché. 60 000 exemplaires sont vendus ! Les Mendiants de Paris paraissent en 1848 dans La Patrie et Le Commerce.

Ses romans sont plus brûlants et ouvertement militants que ceux de tous ses contemporains. Le peuple écrasé par les fusils de la République en juin 1848 ne casse pas son élan comme il détruit les espoirs de George Sand.
Clémence use des artifices du roman-feuilleton pour servir son discours : héros manichéens, sociétés secrètes, coups de théâtre, rythme effréné du récit. L’optimiste n’est pas toujours au rendez-vous, comme dans Le Saltimbanque (paru en 1854 dans le bonapartiste La Patrie), qui se termine par l’exécution du héros que la misère a poussé au crime.
Dans La Pluie d’or, on reconnaît facilement dans les personnages d’Émile et Valéria les archétypes des "gandins" et des "lionnes" des grands boulevards, dont l’auteur décrit les tares.
Lorsque les périodiques populaires (L’Omnibus, Le Passe-temps, L’Ouvrier ; Le Journal pour tous lancé par la librairie Hachette) connaissent un bel essor dans les années 1850 au détriment des feuilletons de la presse quotidienne, Clémence Robert est un des auteurs "best-seller" avec Maximilien Perrin, Henry de Kock (fils de Paul) et Louis Noir.

Elle vit à l’Abbaye-aux-bois à partir de 1845 (à l’emplacement actuel de la rue Récamier), où Mme Récamier vit également entre la fin des années 1810 et 1849. Les deux femmes se lient d’amitié.

Son succès diminuant, Clémence fonde ses propres journaux : La Semaine en 1859 et Le Siècle illustré en 1861.

Elle décède en 1872.

Source : Histoire du roman populaire, Yves Olivier-Martin, éditions Albin Michel, 1980.

A lire également : Alice Primi, “Explorer le domaine de l’histoire” : comment les “féministes” du Second Empire conçoivent-elles le passé ?, à http://rh19.revues.org/document426.html.



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