"Non seulement Michel Zévaco égale Dumas par sa fantaisie, mais il le dépasse par l’emballement de son imagination."
La Petite république socialiste, 23 juin 1903.
Ce jugement, tout chargé qu’il soit arrières pensées publicitaires, est vrai. A lire Zévaco, on éprouve une joie que peu d’auteurs de romans d’aventures parviennent à susciter, sauf peut-être Dumas. Oubliés les Eugène Sue, Féval, Leroux, Fantômas. Loin derrière, les About, Ponson du Terrail, Gaboriau, Erckmann-Chatrian, etc.
Après Zévaco, le roman populaire connaît d’autres bonheurs dans des genres dérivés comme le policier ou la science-fiction. Mais dans sa veine du roman feuilleton historique, "de cape et d’épée", bien tristes sont ses successeurs. Peut-être aujourd’hui Valerio Evangelisti [1] et quelques autres sont-ils en train de prendre la relève ?
Pardaillan est peu lu de nos jours et mérite vraiment d’être redécouvert. Lire un Pardaillan, c’est ressentir la jubilation qu’a éprouvée à l’écrire un auteur dont le parcours est étonnant : Zévaco commence comme enseignant, continue comme militaire, poursuit comme "socialiste révolutionnaire" et finit comme auteur comblé dans son intérieur bourgeois.
Michel Zévaco naît à Ajaccio en 1860. La famille habite sur le cours Napoléon.
En 1869, la carrière militaire de M. Zévaco mène sa famille à s’installer dans les Deux-Sèvres, à Saint-Maixent.
En 1878, on retrouve Michel interne au lycée Saint-Louis à Paris. Il prépare le concours d’entrée à l’Ecole Normale. Il possède alors une adresse 38 rue Saint-Sabin.
En 1880-1881, il est professeur de Lettres au Collège de Vienne, dans l’Isère, à une centaine de kilomètres de Privas où résident ses parents. Il est contraint à démissionner de son poste, pour ses amitiés anarchistes ou des relations trop proches avec la femme d’un conseiller municipal, et s’engage alors dans l’armée.
Zévaco s’installe à Paris à sa sortie de l’armée, en 1888. Son adresse officielle est le 18 rue Volta. Après avoir pourchassé Paul Ginisty (un rédacteur du Gil Blas) jusque chez lui pour lui faire lire son manuscrit, il parvient à faire publier son premier roman, Le Boute-charge. Il ne récidive pas tout de suite dans la veine romanesque, devenant en 1889 journaliste à L’Egalité - qui se veut (de 1889 à son arrêt en 1891) l’héritier du Cri du peuple fondé par Jules Vallès - et que dirige le socialiste révolutionnaire Jules Roques. Zévaco y est secrétaire de rèdaction… et auteur de son premier roman feuilleton, Roublard et Cie. Il adhère et milite à la Ligue socialiste de Roques et se présente sans succès aux élections législatives de 1889. Il fait à cette époque connaissance avec Louise Michel.
Il croise également Aristide Bruant en 1890 à la prison Sainte-Pélagie pour avoir écrit un violent article, provoquant en duel le ministre de l’Intérieur de l’époque. Sainte-Pélagie l’accueille de nouveau pendant les 6 premiers mois de 1893, pour d’autres articles anti-bourgeois, en pleine période d’attentats anarchistes.
Son domicile vers 1891-1895 est le 1 Cité Bergère, non loin de Montmartre, dont il se rapprochera encore en emménageant ensuite rue de Steinkerque. Du sang montmartrois coule dans ses veines, tant il aime la butte, situant d’ailleurs de nombreuses scènes de ses romans dans le village de Montmartre à différentes époques. De façon générale, ses romans sont de longues promenades à Paris ou en Province, dans les villes qu’aime Zévaco.
Sans doute déçu par les manigances des partis et des syndicats ainsi que par le manque de combativité des ouvriers, il abandonne le journalisme politique en 1900, après avoir tiré des dernières cartouches pour défendre Dreyfus. C’est qu’en même temps, son retour vers le roman feuilleton avec Borgia en 1900, publié dans le journal de Jaurès La Petite république socialiste [2] est cette fois-ci couronné de succès. Ses convictions libertaires et anticléricales vont désormais s’exprimer dans des romans feuilletons historiques. Zévaco fournit plus de 1 400 feuilletons (dont, à partir de 1903, les 262 de La Fausta, qui met en scène le chevalier de Pardaillan) au journal de Jaurès jusqu’en 1905, époque à laquelle il passe au Matin, dont il devient le feuilletonniste attitré avec Gaston leroux. Entre 1905 et 1918, Le Matin publie en feuilletons neuf romans de Zévaco. Avant et après sa mort paraissent dix volumes des aventures de Pardaillan père et fils.
Le 12 rue de Steinkerque devient sa résidence principale, puis secondaire lorsqu’il s’installe à Pierrefonds en 1900, dans une maison en face du château. Séverine, qui a participé au Cri du peuple avec Jules Vallès en 1883, puis seule entre 1885 et l’arrêt du journal en 1889, et qui connaît Zévaco depuis une douzaine d’années, s’y est installée après l’affaire Dreyfus pour s’éloigner de l’agitation parisienne.
La guerre se rapprochant de Pierrefonds, la famille Zévaco s’installe un peu plus à l’abri à Eaubonne (Val d’Oise) en 1917. Il meurt en août 1918, sans doute d’un cancer.
Petite bibliographie
Michel Zévaco, anarchiste de plume et romancier d’épée. Préface d’Alice Demars au volume Les Pardaillan édité par Robert Laffont, collection Bouquins.
[1] Qui dédie à Zévaco Le Précipice, troisième épisode - en partie parisien - du Roman de Nostradamus
[2] Dont les bureaux se trouvent entre le 4 rue Paul Lelong et le 111 rue de Réaumur. Jaurès quitte le journal en 1904 pour fonder L’Humanité.
J’ai lu la série des Pardaillan dans sa version intégrale (disponible en 3 volumes aux Editions Robert Laffont, collection Bouquins) lorsque j’avais 12-13 ans. Je devrais dire je l’ai dévorée en à peu près 2 semaines. (Eh oui ! Près de 3000 pages en 2 semaines.) C’est une série que j’ai adorée bien qu’à l’époque je n’étais pas une grande lectrice de romans de cape et d’épée (j’avais et ai toujours le nez dans les bouquins quels qu’ils soient mais ce genre de romans me rebuter). Je me souviens avoir, par la suite, emprunté au CDI les 3 Mousquetaires que je devais -m’avait-on dit- lire et qui était un must du genre. La comparaison fut simple autant j’ai lu avec plaisir les Pardaillan autant j’ai peiné à finir ne serait ce que le 1er tome de la série des 3 Mousquetaires.
Je trouve le style de Zévaco beaucoup plus fluide, plus jubilatoire, beaucoup plus passionnant que celui de Dumas. Zévaco dépasse et même surpasse Dumas (mais ceci n’est que mon opinion personnelle) et trouve dommage que ce auteur génial soit peu ou pas connu. (Faites ce test : Entrez dans une librairie ou un grande enseigne de distribution de livres et demandez un roman de Zévaco, bien souvent même le libraire ou le vendeur ne connait pas ses oeuvres alors que les rayonnages regorgent de livres de Dumas.)
On se laisse entrainé par la série des Pardaillan et une fois commencée, on ne peut s’arrêter qu’une fois fini les 10 tomes qui la composent. Je relis de nos jours (j’ai 23 ans) avec toujours autant de passion, d’enthousiasme et de jubilation cette série que mon père m’a fait découvrir et qui devrait être culte pour tous les passionnés de romans de cape et d’épée, ceux de romans historiques ou même pour des lecteurs avides d’aventures qui aiment passer un bon moment plongés dans un livre.