Montsoreau et son château - dont la Loire baignait jadis les pieds - valent le détour. Non seulement pour la beauté des lieux (on découvre du haut des remparts l’Anjou, la Touraine et le Poitou), mais aussi parce qu’Alexandre Dumas s’est inspiré de ceux-ci et de leurs habitants pour écrire La Dame de Monsoreau (en laissant le t aux oubliettes).
Une mise en scène originale présentée dans une des pièces du château remet à ce sujet les pendules à l’heure : Françoise de Maridor, Louis de Bussy et le comte de Montsoreau s’expliquent à travers les siècles avec Dumas, le forçant à admettre les écarts qu’il s’est permis avec la vérité historique.
Car dans ce roman, écrit au jour le jour, souvent dans la plus grande précipitation, par Dumas et Auguste Maquet [1] qui n’ont guère le temps de se consacrer à des recherches historiques, la fiction s’éloigne fortement des faits : l’espace de dix ans est resserré en une année, les caractères des personnages sont déformés et l’arrière-plan historique s’efface en grande partie devant les intrigues et les querelles domestiques. Dumas et Maquet n’hésitent pas à réutiliser des scènes déjà vues dans La Reine Margot et dans Henri III et sa cour.
L’action de La Reine Margot s’étend entre 1572 et 1574, année de la mort de son frère, le roi Charles IX. L’action de La Dame de Monsoreau se déroule de février à juin 1578.
La mort de Charles IX a relancé les antagonismes entre catholiques et protestants, malgré la volonté d’apaisement de Catherine de Médicis et de son fils Henri III (frère de Charles IX). À la tête des protestants : Henri de Condé. Face à eux, les catholiques fanatiques menés par les Guise. Au milieu, le parti des Politiques, conduit par François d’Alençon qui, au lieu de jouer les modérateurs, oppose les uns aux autres et conspire contre Henri III, son frère.
1572 avait été marquée par le mariage de Margot avec Henri de Navarre, futur Henri IV, par la Saint-Barthélémy et l’interdiction du culte protestant qui avait suivi. Les hostilités reprennent en 1574 avec l’initiative d’Henri de Montmorency, comte de Damville et chef militaire du parti des Politiques, qui s’allie à Condé pour restaurer la liberté religieuse dans le midi de la France, et prendre des mesures politiques qui menacent le pouvoir royal. François d’Alençon se rebelle ouvertement contre le roi en 1575. Catherine de Médicis obtient un apaisement temporaire en 1576 avec la "paix de Monsieur" et l’édit de Beaulieu [2], qui restaure en partie la liberté religieuse. En réaction, la Ligue des catholiques se constitue en Picardie aux côtés d’Henri de Guise pour combattre à la fois le pouvoir royal et les protestants. Henri III décide fin 1576 de s’allier à la Ligue. Il révoque l’édit de Beaulieu. Le duc d’Anjou se réconcilie avec son frère le roi et prend la tête des armées pour massacrer les protestants. Les efforts cumulés de Catherine de Médicis, d’Henri III et d’Henri de Navarre conduisent en 1577 à la "paix du roi". L’édit de Poitiers rétablit la liberté religieuse en limitant les lieux de culte des Réformés.
La période troublée de 1575-1578 est le cadre de La Dame de Monsoreau [3]. Bussy d’Amboise, favori du duc d’Anjou, joue les fortes têtes au Louvre et provoque des favoris du roi, qui prend fait et cause pour eux. Le duc d’Anjou, perdant la face, s’échappe du Louvre en février 1578 (par la fenêtre de sa soeur Margot, comme Dumas le raconte dans La Dame de Monsoreau !). Il rejoint Angers avec Bussy. La suite est contée (et déformée) dans le roman de Dumas, juqu’à l’assassinat de Bussy à la Coutancière à Brain-sur-allonnes, dans un château détruit depuis.
Françoise de Maridor [4], appelée Diane de Méridor par le romancier, épouse en 1575 le comte de Montsoreau. Bussy, gouverneur de l’Anjou depuis 1576, lui fait la cour avec plus ou moins de succès. Le duc d’Anjou a accès à une lettre écrite par Bussy à un ami, dans laquelle il dit "tenir dans ses filets" la comtesse de Montsoreau. Le duc saisit l’occasion de se débarrasser d’un favori encombrant et prévient le roi pour lui faire preuve de loyauté. Henri III prévient le comte, alors à la cour. Ce dernier force sa femme à donner rendez-vous à Bussy en août 1579 à la Coutancière, autre résidence des Montsoreau. Dix hommes l’y attendent et l’assassinent.
Sources :
Introduction de Jacques Bony à La Dame de Monsoreau, Garnier-Flammarion n°850,
www.37-online.net/chateaux/montsoreau.html,
Le Château de Montsoreau, par Francine Thieffry de Witte, éditions Ouest-France, 2002, 32 pages,
Château de Montsoreau, Passage du Marquis de Geoffre - B.P. 19, 49730 MONTSOREAU – France, Tél. : 02.41.67.12.60/ Fax : 02.41.67.21.68, Internet : www.chateau-montsoreau.com /Email : chateau-montsoreau@wanadoo.fr
[1] Promis comme une suite à La Reine Margot, il en oublie en route les principaux personnages. Il est publié en feuilleton dans Le Constitutionnel entre août 1845 et février 1846. Le roman devient pièce de théâtre, jouée avec succès à l’Ambigu comique en 1860, reprise au théâtre de la Porte-Saint-Martin en 1868, etc.
[2] François d’Alençon devient alors duc d’Anjou.
[3] Durant les guerres de religion, Montsoreau est un fief « papiste » face à Saumur la protestante.
[4] Née vers 1555 au château de la Freslonnière - 72290 Souligné sous Ballon.