Hector Malot, auteur de Sans Famille (1878) mais également d’une soixantaine de romans pour adultes, passe à La Bouille ses années de prime jeunesse, jusqu’à l’âge de 5 ans. Son père y est notaire et maire de la commune. Le village, pittoresque et très animé, le marquera pour la vie et le romancier le citera à de nombreuses reprises dans ses romans.
Rémi, héros de Sans Famille, de passage dans le village, questionne les Bouillais. Hector Malot qui connaissait bien le caractère de ses congénères, avait remarqué que les Normands ne répondent jamais quand on leur pose une question directe : « Sois certain que c’est sur la Seine que Mme Milligan a promené son fils malade, me ditil. – C’est ce que nous allons bientôt savoir, en faisant causer les gens du village qui est au-dessous. » Mais j’ignorais alors qu’il n’est pas facile d’interroger les Normands, qui répondent rarement d’une façon précise et qui, au contraire, interrogent eux-mêmes ceux qui les questionnent. « C’est-y un batiau du Havre ou un batiau de Rouen que vous demandez ? – C’est-y un bachot ? – C’est-y une barquette, un chaland, une péniche ? » Quand nous eûmes bien répondu à toutes les questions qu’on nous posa, il fut à peu près certain que le Cygne n’était jamais venu à La Bouille, ou que, s’il y avait passé, c’était la nuit, de sorte que personne ne l’avait vu. De La Bouille nous allâmes à Rouen, où nos recherches recommencèrent, mais sans meilleur résultat ; … » (Sans famille, 1878).
A l’occasion du centenaire de la mort de l’écrivain, la mairie de La Bouille et l’association des amis d’Hector Malot donnent naissance à un parcours Malot dans les rues de la charmante petite ville du pays de Flaubert, d’Arsène Lupin, d’Hugo et de Maupassant [1].
Voici quelques extraits et étapes de cet itinéraire, dont vous pouvez télécharger le détail dans le fichier joint à cet article.
L’ÉTUDE NOTARIALE, rue de Seine
Me Jean-Baptiste Patrice Malot a
été nommé notaire le 30 décembre
1806 par décret signé de
Napoléon. Il officia dans cette
étude jusqu’en 1832, date à
laquelle son gendre, Me Beauvet,
prit la relève.
Dans le passage qui suit, Hector
Malot décrit l’étude notariale de
La Bouille, qu’il a bien connue.
Il se base sur des faits véridiques,
que lui a racontés
Me Drapeau, successeur de son
père, pour les besoins de son
roman Souvenirs d’un Blessé.
Le héros, un soldat égaré qui
cherche à regagner ses troupes
pendant la guerre de 1870,
frappe à la porte de l’étude
pour y trouver de l’aide :
« J’allai chez le maire. En route,
j’avais entendu un bout de
conversation entre deux paysans
qui m’avait appris que ce
maire, au lieu de garder ses
fusils pour les offrir aux
Prussiens, comme tant d’autres,
les avait cachés dans une
carrière. Et cela m’avait donné
confiance. Si ce maire, me
disais-je, a le courage de s’exposer
à se faire fusiller par nos
ennemis pour ne pas livrer ses
armes, il accueillera un soldat
qui veut regagner l’armée.
Au moment où je poussais une porte au-dessus de laquelle
brillaient dans la nuit des
panonceaux de notaire, deux
officiers prussiens, un major et
un adjudant m’arrivaient sur
les talons. Naturellement je les
laissai passer devant moi, et
me mis dans un coin ; ce que
j’avais à dire n’avait pas besoin
de témoin.
– Bureau ? dit le major en
entrant.
– Notaire, répondit le maire.
– Très bien.
Le major porta sa main à son
casque et fit le salut militaire
devant les minutes qui garnissaient
les tablettes posées
contre les murailles de l’étude.
A deux pas derrière lui l’adjudant
répéta ce salut.
– Monsieur le maire, continua
le major, on m’avait annoncé,
en m’envoyant ici, un gros
bourg avec de bonnes maisons,
mais je vois que votre pays ne
produit que des pierres ; je vais
envoyer chercher des vivres ailleurs.
Je vous aiderai à faire
vivre les gens du pays.
Et tournant roide sur ses talons,
il salua de nouveau les minutes
et sortit.
– Vous coucherez chez moi, me
dit le maire lorsque je lui eus
exposé ma demande, et comme
demain matin un jeune homme
d’ici désire aller à Bourgtheroulde,
vous pourrez partir
avec lui ; il vous conduira à travers
la forêt. » (Souvenirs d’un
blessé – Miss Clifton, 1872)
« (…) La maison la plus coquette est celle du notaire. En façade sur le quai, dont elle est séparée par un petit jardin (…) » (Complices, 1892).
LA MAISON DE LA
MÈRE D’HECTOR
MALOT, côte Albert Lambert
(en face du « Nid » des
Albert Lambert)
L’acte de naissance d’Hector Malot.
La mère d’Hector Malot, a, en
premières noces, épousé un
capitaine au long cours, Narcisse
Lelargue, mort à St Domingue
en 1824, d’une fièvre jaune qui
décima une partie de l’équipage.
A la fenêtre de la petite
maison, qui domine la boucle
de la Seine jusqu’à Saint Martin
de Boscherville, elle guettait, à
chaque voyage, l’arrivée du
navire de son mari.
Elle se remarie avec Me Malot
en 1826.
VUE SUR LA BOUILLE, côte Albert Lambert « Par Bayeux, Caen, Pontl’Evêque et Pont-Audemer, nous gagnâmes la Seine à La Bouille. Quand, du haut des collines boisées, et au détour d’un chemin ombreux, Mattia aperçut tout à coup devant lui la Seine, décrivant une large courbe et promenant doucement ses eaux calmes et puissantes, couvertes de navires aux blanches voiles et de bateaux à vapeur dont la fumée montait jusqu’à nous, il déclara que cette vue le réconciliait avec l’eau, et qu’il comprenait qu’on puisse prendre plaisir à glisser sur cette tranquille rivière, au milieu de ces fraîches prairies, de ces champs bien cultivés et de ces bois sombres qui l’encadraient de verdure » (Sans Famille, 1878).
LA MAISON NATALE, 25, quai Hector Malot
Quelques heures après la naissance
de l’enfant (à 3 heures du
matin), le 20 mai 1830, le mât
de beaupré d’un voilier brise la
Dans ce roman policier, situé à
Oissel, Hector Malot s’est
amusé à disposer de nombreux
indices autobiographiques : il y
conte les aventures d’une
femme de notaire qui trompe
son mari avec le premier clerc…
La mère du romancier, grande conteuse, attise l’imagination du jeune enfant, lui narrant des histoires de voyages lointains, en prenant pour point de départ les grands voiliers ancrés devant la maison.
[1] De nombreuses autres manifestations marquent ce centenaire, voir 2007 : centenaire de la mort d’Hector Malot.