Le grand art de George Sand, qui se vérifie dans Mauprat comme dans Les Maîtres sonneurs et d’autres romans [1], est de ne pas laisser son message politique nuire à l’intérêt du récit. Ce n’est pas peu dire pour Mauprat, où scènes de cape et d’épée alternent avec exotisme et scènes romantiques ou d’horreur.
Celle que l’on a appelée le « Walter Scott du Berry » possède - comme Stevenson son presque disciple - une plume capable comme peu d’autres d’enchaîner les événements et de « scotcher » son lecteur aux péripéties du récit. Pas de hasard : George Sand est un auteur de romans-feuilletons à la production nocturne et abondante, ne corrigeant que peu son premier jet à la différence de son ami Flaubert, et mu depuis la fin des années 1830 par l’impérieuse nécessité de s’assurer des revenus importants afin d’entretenir la maison et les terres de Nohant… et ses nombreux et réguliers invités.
Mauprat est publié dans la Revue des Deux Mondes d’avril à juin 1837 (non pas en feuilleton quotidien, ce qui n’était pas le rythme de parution de la Revue, mais en quatre épisodes).
Les lieux du roman sont principalement :
le château de la Roche-Mauprat, de pure fiction,
la Tour Gazeau que l’on voit encore aujourd’hui à Pouligny-Saint-Martin près de La Châtre et où, dans le roman, s’est établi Patience, ermite philosophe grand lecteur du Contrat social (nous sommes dans la dernière moitié du XVIIIe siècle),
Sainte-Sévère, dont le château (du XVIIIe) est la propriété d’Hubert de Mauprat, seul honnête homme de la lignée des Mauprat et par ailleurs père d’Edmée, courtisée d’une façon un peu brutale par le narrateur, Bernard Mauprat,
l’Amérique, où Bernard part se ranger pendant six ans aux côtés des insurgés pendant la Guerre d’Indépendance pour tenter d’oublier Edmée,
la prison de La Châtre (actuel musée George Sand et de la vallée noire), où il est enfermé en attendant son jugement pour la tentative de meurtre sur la personne d’Edmée,
le palais Jacques Cœur à Bourges, où se déroule son procès [2].
Sainte-Sévère est aussi connue pour avoir prêté sa place aux prises de vue du film de Jacques Tati Jour de fête en 1947.
[1] Dans Mauprat comme dans Les Maîtres sonneurs, Georges Sand use d’un redoutable artifice pour introduire son histoire : elle en fait le « récit d’un récit » raconté par le héros principal - orphelin dans les deux cas - devenu vieux. Dans Les Maîtres sonneurs, celui-ci est bon et fragile. Dans Mauprat, Bernard Mauprat est dur et redoutable.
[2] Comme s’y est déroulé le procès en divorce de George Sand. C’est à Bourges qu’elle a connu son futur avocat et amant : Louis Michel, dit Michel de Bourges. A l’occasion de son procès, l’écrivain a habité rue Saint-Ambroix dans la maison de Félix Tourangin.
Le site du château de la Roche-Mauprat n’est pas un lieu de pure fiction. Il doit être identifié sans coup férir avec le site du château de Rochefolle sur la commune de Fougerolles dans l’Indre.
Pour tous les détails concernant les raisons qui rendent définitive cette identification, je me permets de vous renvoyer à l’article suivant : Philippe Barlet, "Le mystère de la Roche-Mauprat" dans George Sand. Une européenne en Berry, ouvrage publié par les Amis de la bibliothèque municipale du Blanc et le Comité du bicentenaire George Sand 1804-2004, Le Blanc-Châteauroux-La Châtre, 2004, p. 61-85.