Hugo à Paris ? Encore un autre pour qui la vie parisienne est une histoire de déménagements (une vingtaine : Balzac et Colette sont battus, mais pas Baudelaire).
Mais Hugo, qu’il écrive, aime, dessine, voyage ou habite, fait tout dans la démesure. Lorsqu’il emménage dans un nouveau quartier, il le parcourt de long en large, et ça l’inspire comme… ça inspire Dickens marchant dans Londres.
Hugo se nourrit de Paris et la ville le lui rend bien.
Il ne sauve pas la capitale des projets du baron Haussmann (il n’est pas vraiment en odeur de sainteté à l’époque et se trouve exilé), mais, par son roman éponyme, il contribue au sauvetage de Notre-Dame et, jusqu’à la fin de sa vie, il sera de nombreux autres combats pour la sauvegarde du patrimoine de la ville.
Voici, en gros, par quels chemins il découvre Paris :
Après avoir suivi ses sept premières années son général de père par monts et par vaux - un port d’attache étant tout de même le 24 rue de Clichy entre 1804 et 1807 -, Victor et le reste de la famille vivent de 1808 à 1813 dans une dépendance du couvent des Feuillantines. Supprimé à la Révolution, le couvent se trouvait entre le 8 et le 12 rue des Feuillantines (ex-impasse).
Jusqu’à juin 1814, Madame Hugo et ses trois fils demeurent 2 rue des Vieilles Tuileries (aujourd’hui 44 rue du Cherche-Midi).
Le général Hugo parvient à placer ensuite Eugène et Victor chez leur tante, puis, début 1815, à la pension Cordier, 41 rue Sainte-Marguerite (à l’emplacement de la rue Gozlin). De là, ils se rendent quotidiennement au lycée Louis-le-Grand.
En 1818, le jugement en divorce les confie à la garde de leur mère, qu’ils retrouvent 18 rue des Petits-Augustins (devenue rue Bonaparte) où ils vivent ensemble jusqu’en 1821.
Après un passage 10 rue de Mézières en 1821-22, Victor emménage au 4ème étage du 30 rue du Dragon. Il vient de perdre sa mère et a publié son Moïse sur le Nil. Une pension de 1000 francs octroyée par Louis XVIII lui permet d’envisager d’épouser Adèle Foucher (qui habite alors chez ses parents, non loin, 37 rue du Cherche-Midi), ce qu’il fait l’année suivante.
Entre 1818 et 22, il compose les Odes et ballades, qui font dire à Chateaubriand qu’il est un "enfant sublime".
Le quartier Dragon-Mézières-Cherche-Midi et Notre-Dame-des-Champs est un des préférés de Hugo (qui habite le 39 rue du Cherche-Midi en 1822-24).
Il vit rue de Vaugirard de 1824 à 1827 (la demeure a disparu avec le percement de la rue de Rennes) et 11 rue Notre-Dame-des-Champs (actuellement entre le 23 et le 35, dans la portion supprimée par le creusement du bd Raspail - décidément, Haussmann lui en veut !), de 1827 à 1830.
Là sont conçus Hernani et les Orientales. Sainte-Beuve demeure tout près, 19 rue Notre-Dame-des-Champs entre 1828 et 1830, et le cœur d’Adèle se partage entre Victor et Charles-Augustin.
Les Hugo habitent ensuite le second étage du 9 rue Jean-Goujon, jusqu’à leur installation, en 1832, 6 place des Vosges, alors place Royale (près de Théophile Gautier qui habite n°8). C’est l’hôtel qu’a occupé Marion de Lorme entre 1640 et 1648. Il y a de quoi vous inspirer !
Cette maison devient en 1903 le musée Victor Hugo, pauvrement meublé aujourd’hui car les Hugo ont laissé derrière eux tous leurs biens lors de leur exil en 1852 à Jersey et Guernesey.
L’écrivain y reçoit ses amis et disciples assis sur un divan surmonté d’un dais doré provenant de la Kasbah d’Alger.
Il installe Juliette Drouet 14 rue Sainte-Anastase en 1836, non loin de la place Royale (puis 12 rue Sainte-Anastase en 1845). Ils se sont rencontrés en janvier lors des répétitions de Lucrèce Borgia, dans laquelle Juliette tient un petit rôle. Ils sont devenus amants en février, et c’est parti pour cinquante ans et dix-sept mille lettres d’amour. Dans les différents quartiers de Paris, à Guernesey et ailleurs, Juliette habitera dorénavant dans un rayon de 200 à 500 mètres de son écrivain préféré.
C’est 37 rue de la Tour-d’Auvergne que les Hugo trouvent refuge après les journées de juin 1848 et après une halte 5 rue de l’Isly entre juillet et octobre 1848. Ils y demeurent jusqu’en 1851.
Le 2 décembre 1851, après le coup d’Etat, Hugo retrouve Arago et d’autres républicains 70 rue Blanche, chez la baronne Coppens. Très vite, c’est l’exil à Bruxelles puis à Jersey, puis à Guernesey.
De retour d’exil en 1870, il est d’abord logé 5 avenue Frochot, chez Paul Meurice, puis 66 rue de La Rochefoucauld en 1871-72 (Juliette habite alors en face, 55 rue Pigalle, et Victor vit chez elle début 1874), puis 5 avenue des Sycomores en 1873, puis 21 rue de Clichy, entre 1874 et 1878.
Sa dernière demeure est le 120 av. Victor Hugo (anciennement 130 avenue d’Eylau), à partir de 1881. C’est là qu’il décède le 22 mai 1885, alors que l’orage gronde dehors (ce sera également au beau milieu d’une tempête que Paul Valéry, à quelques rues de là, s’envolera vers les cieux en 1945. C’est une tradition dans le quartier). La maison a depuis disparu.
C’est pour Hugo que le Panthéon, tour à tour église puis tombeau des grands hommes, puis église, etc. retrouve définitivement la vocation que lui ont attribuée les révolutionnaires de 1791.
Autres demeures de l’auteur
Voyez nos pages sur Hugo à Villequier, Guernesey, Bruxelles, Saint-Prix et Bièvres.
Pour visiter le lieu
Pour visiter le Paris des Hugo, venez ici.
À voir aux alentours
Aux alentours de Paris, le poète-romancier-auteur dramatique-homme politique a aussi séjourné à Dreux (16 rue Godeau) en 1821, à Fourqueux (39 ou 57 rue Saint-Nom) en 1836, à Gentilly (l’emplacement de la maison habitée en 1822 et 1823 par Hugo est maintenant occupé par un square sur l’avenue Raspail), à Houdan (54 rue Victor-Réant, chez son ami Saint-Valry), à Montfort-l’Amaury (9 rue de la Treille, toujours chez Saint-Valry), en particulier en 1825,…
Petite bibliographie
Victor Hugo, Jean-Marc Hovasse, Fayard 2002, 44,50 Euros.
Victor Hugo, Alain Decaux, Perrin, 24,30 Euros.
[1] "Assis au milieu de vieilles armures, de vieilles tapisseries, de vieux coffres, de vieilles chaises et tables sinistres, de vieux dais venus d’antiques palais, et de vieux lions jouant aux quilles avec de vieilles balles lourdes et dorées, [les Hugos] présentaient un tableau des plus romantiques et semblaient sortis d’un de ses propres romans."