Jean-Jacques ROUSSEAU

à Chambéry
Le dimanche 13 août 2006.
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La plaque dans la cour du 13 rue de Boigne

« S’il est une petite ville au monde où l’on goûte la douceur de la vie dans un commerce agréable et sûr, c’est Chambéry. […] Les femmes sont belles, et pourraient se passer de l’être ; elles ont tout ce qui peut faire valoir la beauté et même y suppléer. »
Les Confessions, livre V.

Se promener dans Chambéry sur les pas de Rousseau se semble pas digne d’un grand intérêt pour l’office du tourisme de la ville [1]. Car les renseignements qu’il délivre font pâle figure à côté de ceux que recèle la lecture d’un ou deux ouvrages du second étage de la grande médiathèque municipale. Ils permettent au visiteur de découvrir le visage méconnu d’un Rousseau musicien et professeur de solfège pour jeunes filles de bonne famille, ainsi que de s’introduire dans des lieux invisibles pour le touriste de passage : les impressionnantes « allées » de Chambéry.

Mme de Warens est née en 1699. Elle épouse à quatorze ans un officier qu’elle quitte rapidement, puis se convertit au catholicisme, y espérant une promotion sociale. En effet, le roi de Sardaigne lui garantit bientôt toit et pension afin qu’elle accueille des protestants suisses émigrés.

C’est en mars 1728 qu’elle reçoit ainsi Jean-Jacques Rousseau pour la première fois, pendant deux jours chez elle à Annecy [2]. Il vient de fuir Genève. Il a trouvé un soir les portes de la ville fermées et rien ne l’y retenait vraiment.
Jean-Jacques est ensuite hébergé dans un couvent à Turin, puis, jeune converti, à nouveau par Mme de Warens à Annecy en 1729. Il entre ensuite au séminaire, s’en échappe et gagne Lyon.

Après un séjour à Paris et à Turin, Mme de Warens s’installe entre-temps à Chambéry, où le jeune homme la rejoint à l’automne 1731. Leur appartement se trouve dans la cour du 13 rue de Boigne. Une plaque en garde la mémoire, bien qu’il soit difficile de le situer précisément. Mme de Warens loue cet endroit sombre et triste à M. de Saint-Laurent, trésorier du roi, dont elle s’assure ainsi la protection.

Jean-Jacques trouve à s’employer aux services du cadastre, dans une dépendance du château aujourd’hui disparue. Il en démissionne en juin 1732, préférant se consacrer à la musique. Toujours grâce à l’entregent de Mme de Warens, des jeunes filles de bonne famille deviennent ses élèves. Dans un carré de rues autour de l’appartement qu’il partage avec Mme de Warens et Claude Anet, serviteur et amant omniprésent de cette dernière, les portes de la haute société chambérienne s’ouvrent à Jean-Jacques.

Aujourd’hui encore, quelques minutes suffisent pour parcourir le centre de la ville comme Rousseau le faisait en allant visiter ses élèves. La plus proche, Melle de Mellarède, se trouve à l’hôtel Dieulefils, 122-128 place Saint-Léger. On accède à la place Saint-Léger (qui fait plutôt figure de rue ou d’avenue que de place) par une allée sombre partant de la cour du 13 rue de Boigne [3].
Melle de Challes, une autre élève, habite l’hôtel de Cordon (71 rue Saint-Réal), dont le dos donne sur la cour du 13 rue de Boigne. D’autres de ses élèves demeurent à l’hôtel Costa (Melle Costa de Beauregard), qui s’ouvre à la fois sur le 106 rue de la Croix-d’or et le 85 place de la Métropole, 10 rue de la Trésorerie (Melle Lard) ou rue de la Juiverie (Melle de Menthon).

Source : Regards sur Chambéry.

[1] Cet office du tourisme ne fait pas pire, en la matière, que la plupart des offices du tourisme des villes françaises. Pour que le grand public en sache plus sur les lieux fréquentés par Rousseau à Chambéry, sans doute faudra t-il attendre un prochain anniversaire…

[2] "La maison se trouvait à l’emplacement actuel du grand escalier de l’Ecole nationale de musique et de danse, au numéro 10 de la rue Jean-Jacques Rousseau" (www.rousseau-chronologie.com/enfance25-28.html).

[3] De la place Saint-Léger partent plusieurs de ces « allées », passages souvent couverts situés à l’arrière des maisons, où il semble que le temps se soit arrêté au XVIIIe siècle. L’importance de ces allées dans la ville s’explique par trois facteurs : d’une part par la nécessité - Chambéry s’étant construite sur des marécages - de construire des bâtiments élevés se soutenant les uns les autres ; d’autre part, par le manque de place pour construire (la ville est en effet petite). Enfin, le toisage, l’impôt local, était calculé sur la largeur des façades…



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