Pendant deux siècles, Tallemant des réaux est pratiquement absent des ouvrages d’histoire littéraire. Ses volumes d’Historiettes sont diffusés semi-clandestinement jusqu’à leur publication au milieu des années 1830. Elles suscitent alors la critique et parfois l’indignation car ce qu’elles décrivent ne correspond pas à l’image que le Grand siècle avait laissée de lui - mais que les mémoires du duc de Saint-Simon avaient déjà égratignée.
Il faudra que d’autres sources viennent confirmer les Historiettes pour que leur valeur soit peu à peu établie et qu’elles deviennent une source d’information inépuisable sur la première moitié du XVIIe siècle.
Gédéon Tallemant naît en 1619 à La Rochelle au sein d’une famille de banquiers protestants. Lorsque, devenu parisien, il obtient par son père une charge de conseiller du parlement, le métier ne lui plaît pas et il épouse sa cousine Élisabeth de Rambouillet. L’Hôtel de Rambouillet [1] est dès lors sa résidence secondaire, où il retrouve la maîtresse de lieux, la marquise de Rambouillet née Catherine de Vivonne, ainsi que Malherbe, Corneille, Racan, Rotrou… C’est là qu’il puise l’essentiel de la matière des Historiettes, fruit d’une grande curiosité et d’une liberté de langage inhabituelle.
Tout d’abord, la marquise n’éprouve aucune sympathie pour le roi et fait à Tallemant plein de confidences sur la petite histoire des règnes d’Henri IV et de Louis XIII, période durant laquelle les religions catholiques et protestantes se côtoient sans parvenir réellement à s’accepter, et qui voit la noblesse de robe concurrencer de plus en plus la noblesse d’épée.
Ensuite, la "chambre bleue" de la marquise est un incomparable laboratoire d’observation des beaux esprits de l’époque : Voiture, Guez de Balzac, Malherbe, Chapelain, etc. Tallemant évoque aussi Scarron, La Fontaine, Madeleine de Scudéry, Marie de Sévigné, Racan, Richelieu, Marion Delorme, Ninon de Lenclos…
Il achève vers 1659 l’écriture des Historiettes, les lit à ses proches et les corrige et les complète pendant une vingtaine d’années.
Il se convertit vers 1685 au catholicisme. Cette année-là, l’Édit de Fontainebleau signé par Louis XIV révoque l’Édit de Nantes de 1598 et met fin à la cohabitation officielle entre protestants et catholiques. Mme des Réaux s’était déjà convertie en 1660. Elle se retirera au couvent de Bellechasse, quittant sa famille.
Le château des Réaux, qu’il achète en 1650 - ce qui lui vaut d’accoler "des Réaux" à son nom - est situé non loin de Chinon, presqu’en face du château de Montsoreau mais pas sur les bords de la Loire.
Voici quelques adresses parisiennes de l’auteur des Historiettes :
la rue des Petits-Champs où se trouvait la banque Tallemant est devenue la rue Croix-des-Petits-Champs,
entre 1646 et 1655, Tallemant occupe au 17 rue de l’Université un hôtel appartenant à François Lhuillier, le père du poète Chapelle,
il habite vers 1655 la rue Traversière, devenue rue Molière,
il demeure rue Sainte-Anne, dans la portion comprise entre la rue Saint-Augustin et la rue des Petits-champs, vers 1681-1683,
il décède 66 rue de Richelieu en 1692.
Source des adresses : Guide littéraire de la France, Les Guides bleus, 1964.
Tallemant est un personnage que l’on croise parfois dans les aventures de Louis Fronsac écrites par Jean d’Aillon.
[1] Situé à peu près sous l’actuelle pyramide de Peï dans la cour Napoléon du musée du Louvre (la rue Saint-Thomas du Louvre prolongeait à l’époque la rue de Valois en direction de la Seine) - voir Le Mystère de la chambre bleue.