Le succès littéraire de Fantômas a inspiré, dès les débuts du cinéma, de nombreux réalisateurs français comme étrangers. Citons Edward Sedgwick, metteur en scène américain, qui réalisa Fantômas en 1920, Pal Fejös un Austro-hongrois qui adapta le roman en 1932 ou encore Jean Sacha, en 1947, qui fit jouer Simone Signoret dans son Fantômas. Mais l’une des premières adaptations des célèbres ouvrages est celle de Louis Feuillade, qui sortit, entre 1913 et 1914, cinq films sur le fameux bandit. Des films qui sont considérés encore aujourd’hui comme les premiers chefs d’œuvre du cinéma, ce que la critique moderne appellera plus tard le « réalisme fantastique » ou le « fantastique social ». Alain Resnais déclarera d’ailleurs [1] : On dit qu’il y a dans le cinéma une tradition Méliès et une tradition Lumière ; je crois qu’il y a aussi un courant Feuillade qui utilise merveilleusement le fantastique de Méliès et le réalisme de Lumière. Louis Feuillade aura donc considérablement marqué l’histoire du cinéma, et, sur les traces de son Fantômas, Paris se découvre à la fois dans toute sa noirceur et dans toute sa beauté.
1) Si le premier film de Feuillade ne commence pas dans l’appartement de l’inspecteur Juve mais dans un hôtel où le bandit dérobe le collier et l’argent d’une princesse, le spectateur ne tarde pas à être introduit dans les lieux. L’appartement de Juve situé au 142 rue Bonaparte est en effet un endroit récurrent dans tous les films de Feuillade. On y voit l’inspecteur réfléchir aux différents moyens d’arrêter Fantômas, avec son ami le journaliste Fandor. Cet appartement est également le lieu où Juve manque de se faire tuer par un serpent introduit dans sa chambre par Fantômas (Juve Contre Fantômas). La rue Bonaparte doit sa dénomination à l’empereur du même nom (arrêté du 12 août 1852). Elle abrite de nombreux monuments classés, dont l’Ecole Supérieure des Beaux Arts, les arcades de l’Hôtel Torpanne ou encore la façade du château d’Anet.
2) Tout comme l’appartement de Juve qui est un lieu récurrent dans les films de Feuillade, le Palais de Justice (4 boulevard du Palais) et la Préfecture de police (7 boulevard du Palais) apparaissent de nombreuses fois à l’image. Fantômas s’échappe même par le toit du Palais de Justice dans Le Mort qui tue. Juve, soupçonné un temps d’être Fantômas, y est également interrogé et est ensuite emprisonné au Dépôt (Fantômas contre Fantômas). Le Dépôt de la Préfecture est la prison provisoire où l’on amène les individus arrêtés par la police pour cause de flagrant délit ou par un ordre direct du préfet. On y accède par la voûte du quai de l’Horloge. La création de la Préfecture de Police résulte de la loi du 28 Pluviôse an VIII (17 février 1800). C’est en 1871 qu’elle intègre la Caserne de la Cité, siège qu’elle occupe aujourd’hui.
3) Sur l’île de la Cité, à l’angle de la rue Harlay et du Quai de l’Horloge, se trouve l’échoppe de la Mère Toulouche, fripière le jour, receleuse la nuit et grande complice de Fantômas. Ce personnage apparaît dans Le Mort qui tue. L’inspecteur Juve, que tout le monde croit mort, tué dans une explosion provoquée par Fantômas dans l’épisode précédent, s’est fait embaucher par la mère Toulouche et se fait passer pour un simple d’esprit. Il peut ainsi observer à loisir les agissement de l’ennemi public numéro un et de sa bande. Aujourd’hui, ironie du sort, à l’angle de la rue Harlay et du quai de l’Horloge, se situent les locaux de la BNP.
4) Sous la boutique de la Mère Toulouche, les égouts servent de « cave » pour le recèle. Difficile cependant d’accéder directement au collecteur d’égout de l’île de la Cité. Mais il existe, afin de tâter l’ambiance du refuge des bandits, un musée des égouts qui propose de visiter une partie du réseau de la ville. Le musée se situe au Pont de l’Alma, rive gauche, face au 93 quai d’Orsay. La visite est organisée au cœur du réseau et l’on peut y voir le collecteur de l’avenue Bosquet, l’égout élémentaire de la rue Cognacq-Jay, le déversoir d’orage de la place de la Résistance ou encore le point de départ de l’émissaire sud qui emmène une partie des eaux usées de la rive gauche vers la station d’épuration d’Achères.
5) Dans Juve contre Fantômas, une mémorable fusillade a lieu au milieu des entrepôts de Bercy (12e arrondissement) entre les tonneaux de vin. Aujourd’hui, les entrepôts de vin n’existent plus et les rives de la Seine sont longées par la voie express Georges Pompidou. On peut cependant se promener dans Bercy Village… L’association raconte d’ailleurs sur son site Internet une anecdote sur la création du premier entrepôt de vin : On raconte que Louis XIV, venu écouter la messe à Bercy, s’indigna de voir une personne de l’assistance rester debout pendant l’office. Il envoya un garde qui constata, qu’en réalité, il était agenouillé. Sa taille hors du commun causant cette méprise ! Intrigué le roi convoqua ce géant. Son nom était Martin et vigneron bourguignon, son état. Sautant sur l’opportunité de cette inopinée rencontre, le sieur Martin demanda au Roi l’autorisation de vendre ses produits sur cette rive de la Seine. Amusé, le Roi accepta. Ainsi naissait le tout premier entrepôt de vin de Bercy.
6) De Bercy au métro Saint-Jacques, il n’y a qu’un pas… qui vous mènera à la prison de la santé (42 rue de la Santé), l’établissement pénitentiaire dans lequel est détenu Fantômas dans À l’Ombre de la guillotine, et au 96 boulevard Arago, appartement dans lequel Lady Beltham mijote son évasion. Un acteur prendra en effet la place de Fantômas, avec la complicité plus ou moins volontaire des gardiens de prison, et manquera de se faire guillotiner à sa place ! Sauvé par l’inspecteur Juve dans le film (et par la censure de l’époque, peu habituée aux effusions de sang), l’acteur aura moins de chance dans le livre de Souvestre et Allain !
7) Par le métro toujours, rejoignez la ligne 2 et effectuez le trajet entre Barbès Rochechouart et La Chapelle. La ligne aérienne surplombe Paris. Dans Juve contre Fantômas, Fandor y suit une jolie fille, complice du bandit. Paris défile derrière les vitres, tandis que le journaliste ne quitte pas la jeune femme des yeux…
8) Dans À l’Ombre de la guillotine, on découvre l’un des repaires du monstre. Il vient de tuer Lord Beltham et se fait passer pour Gurn, connaissance d’affaires de la victime et amant de sa femme, Lady Beltham. Le 147 rue Levert abrite des malles, dont une contient le cadavre du Lord. C’est la première arrestation de Fantômas par l’inspecteur Juve… ce n’est malheureusement pas la dernière !
[1] Dans Louis Feuillade, Maître des lions et des Vampires de Francis Lacassin.