Balade dans la Rive gauche pré-romantique

Avec Mme de Staël, Chateaubriand, Mme Récamier, Bonaparte, Talleyrand…
Le dimanche 25 septembre 2005.
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L’hôtel de Salm, 64 rue de Lille.

1) Le point de départ de notre première balade est le bel hôtel de Salm, 64 rue de Lille, aujourd’hui palais de la Légion d’honneur. L’ambassade de Suède y emménage en 1797 et Madame de Staël, l’ambassadrice, y vit alors en alternance avec son hôtel du 94 rue du Bac. Elle a épousé douze ans auparavant le baron de Staël, mais son cœur penche depuis 1794 pour Benjamin Constant. A trente ans, elle vient de publier De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations. Femme d’esprit et de pouvoir, elle va bientôt se fâcher avec Bonaparte.

2) Chateaubriand habite 5 rue de Beaune en 1804. Il revient de Rome où il était secrétaire d’ambassade pour Bonaparte. Le Génie du Christianisme l’a rendu célèbre en 1802 et il est encore dans les bonnes grâces de Bonaparte, mais pas pour longtemps : l’exécution du duc d’Enghien en mars 1804 le décide à renoncer à toute fonction politique sous l’Empire.
Il a entamé en 1803 la conception des Mémoires de ma vie, qui donneront quarante-cinq ans plus tard les Mémoires d’outre-tombe.

3) Juliette Récamier (alors Juliette Bernard) habite chez ses parents, 13 rue des Saints-Pères, jusqu’à 1793, année de son mariage. Est-elle vraiment la fille du notaire lyonnais Jean Bernard ? Certains pensent que son vrai père est en réalité… l’homme qu’elle épouse à quinze ans, Jacques-Rose Récamier, avec qui elle n’aura pas d’enfant.

4) Henri Lacordaire, en bon disciple de Lamennais, crée la première école libre en mai 1831 au 3 bis rue des Beaux-Arts (plaque). Lacordaire, un préromantique ? Pas vraiment. Il est surtout homme de Dieu. Cependant, Chateaubriand, Dumas, Hugo, Sand et d’autres admirent l’activisme politique dont il fait preuve avec Lamennais et ses pairs.

5) Chateaubriand habite 25 rue de l’Université en 1817. L’arrivée au pouvoir de Louis XVIII en 1814 a replacé le vicomte au premier rang de la vie politique, mais guère pour longtemps. Il est ministre de l’Intérieur en juin 1815, ministre d’État sans portefeuille en juillet et pair de France en août. Son indocilité attire sur lui les foudres du roi, qui le raye de la liste des ministres en 1816. Cela va même jusqu’à menacer son titre de pair de France. Il en retire paradoxalement d’autant plus de gloire et intensifie son combat dans deux axes apparemment opposés : la liberté de la presse (il fondera le journal Le Conservateur en 1820, auquel collaborera Lamennais) et la fidélité aux Bourbons de pure souche.
En mai 1817, sa flamme pour Madame Récamier renaît à l’occasion d’un dîner chez Madame de Staël. Les Chateaubriand se trouvent alors dans une situation financière dramatique. Ils vendent leur propriété de la Vallée-aux-Loups. Encouragé par Madame Récamier qui en relit et recopie des chapitres, Chateaubriand s’immerge dans ses Mémoires d’outre-tombe. Il doit attendre 1821 pour être à nouveau ministre.

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5 rue de Beaune.

6) Hortense Allart demeure 32 rue de l’Université en 1830, à l’époque de liaison avec « l’Enchanteur », qu’elle a rencontré l’année précédente lorsqu’il était ambassadeur à Rome. Belle blonde de 29 ans, auteur d’œuvres aujourd’hui oubliées, Hortense côtoie aussi Benjamin Constant, Béranger et d’autres.

7) Au 67 rue de Grenelle (hôtel disparu) a vécu la comtesse de Castellane, Cordélia Greffulhe, grand amour de Chateaubriand en 1823-24. Cette relation blesse profondément Juliette Récamier qui, pour le coup, s’installe à Rome plusieurs mois. Cordélia donne ses traits à Marcelle de Castellane dans La Vie de Rancé. Une de ses descendantes, la comtesse de Greffulhe, sera pour Marcel Proust le modèle d’Oriane de Guermantes dans A la Recherche du temps perdu.

8) L’hôtel de Galliffet (73 rue de Grenelle et 50 rue de Varenne) est occupé par le ministère des Relations extérieures - puis des « Affaires étrangères » - jusqu’en 1820. Bizarrement, il est situé à l’intérieur d’un ilôt d’immeubles et ne présente pas de façade sur rue. Talleyrand est le maître du lieu entre 1797 et 1807. Madame de Staël a œuvré pour qu’il retrouve ces hautes fonctions après avoir été contraint de quitter la France sous la Terreur révolutionnaire.
A l’hôtel de Galliffet, il fait se rencontrer Madame de Staël et Bonaparte le 3 janvier 1798, lors de la fête qui célèbre la paix de Campo-Formio. C’est aussitôt entre eux deux une inimitié réciproque.
Talleyrand habite en 1812 l’hôtel d’Angennes tout proche, 55 rue de Varenne (disparu depuis). Ses relations sont alors tendues avec Napoléon qui l’a traité de « merde dans un bas de soie » quelque temps auparavant. Mais le diplomate est expert en boniments, trahisons et cajoleries. Il saura jusqu’à la fin se garder des réactions de l’Empereur qui, par ailleurs, le craint et préfère l’avoir avec lui plutôt que contre lui.

9) Les de Staël louent l’hôtel de Maillebois, 102 rue de Grenelle, à partir de 1798. C’est l’époque durant laquelle les relations avec Bonaparte se détériorent. Les œuvres de Madame (De la littérature en 1800, Delphine en 1802) prônent la liberté de l’écrivain et son indépendance par rapport à tout pouvoir. Elle est interdite de séjour à Paris en octobre 1803.

10) Auparavant, ils louent un hôtel au 470 (actuel 94) rue du Bac de 1786 à 1798, avec des intermittences dues à l’exil entre 1792 et 1795 puis à nouveau en 1796.

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120 rue du Bac.

11) Chateaubriand vit ses dernières années 120 rue du Bac (plaque), d’août 1838 à sa mort en 1848. Retiré de la vie politique depuis 1830, n’étant plus la figure de proue des lettres car les romantiques, Hugo et Lamartine en tête, ont déjà pris sa succession, il se consacre à l’écriture des Mémoires d’outre-tombe, dont il fait lecture à Madame Récamier et aux hôtes du salon de l’Abbaye-aux-Bois dès 1834. Malgré sa situation financière difficile, sacrifiant la manne que lui apporterait leur édition, il lutte jusqu’à la fin pour que ces Mémoires ne soient publiés qu’après sa mort.

12) Après la faillite de son mari banquier à la fin des années 1810, Juliette Récamier se retire à l’Abbaye-aux-Bois, située à l’emplacement de l’actuelle rue Récamier. Elle vit là jusqu’en 1849, date à laquelle elle se réfugie chez sa nièce pour fuir le choléra qui décime la capitale. C’est là, 14 rue des Petits-Champs, qu’elle décède à 72 ans le 4 juillet 1849.
L’Abbaye-aux-Bois, ancien couvent de bernardines transformé en maison de retraite après la révolution, a été détruite en 1908. Madame Récamier s’y installe d’abord au 3e étage. Elle reçoit ses invités dans deux petites pièces. Elle emménage en 1829 au 1er étage, dans un plus grand appartement.

13) Chateaubriand possède un pied-à-terre 63 rue des Saints-Pères en 1808.

14) Chateaubriand habite 7 rue du Regard, dans l’hôtel de Beaune, entre 1824 et 1826. Il vient d’être démis de sa fonction de ministre des Affaires étrangères. C’est aussi l’époque de la mort de Louis XVIII et de l’avènement de Charles X. Le vicomte assiste au sacre de ce dernier en mai 1825 à Reims. Il est encore en pleine écriture des Mémoires d’outre-tombe. En 1828, il reprend des fonctions d’ambassadeur à Rome.



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