Le café Wolff et le pâtissier Grû

39 rue du faubourg Montmartre et 8 rue du faubourg Montmartre
Le jeudi 23 février 2006.
La troisième station du chemin de croix des jeunes gens de la Brasserie des Martyrs.

Par Bernard Vassor

Marchons sur les pas des joyeux drilles sortis du « Café sans nom ».

En descendant le faubourg, le patron du 39 voyait arriver avec terreur cette bande d’énergumènes bruyants et chahuteurs, qui effrayait la clientèle habituée du Café Wolff.

Cet alsacien, obligé parfois de chanter avec eux, se prenait les favoris à pleine main en signe de désespoir. Au bout d’un certain temps, il éteignait un à un les becs de gaz en prétendant qu’il devait fermer. Alors la troupe reprenait son chemin pour se rendre au numéro 13 [1], qui était une brasserie installée dans la cour. Là, le garçon de café, un véritable colosse bâti comme un lutteur de foire, calmait souvent ce petit monde qui préférait « changer de crémerie ».

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8 rue du faubourg Montmartre.

C’est chez la gloire du faubourg Montmartre au numéro 8 [2], le pâtissier Grû, que Privat d’Anglemont et ses amis venaient s’empiffrer chez ce brave homme qui, se piquant de littérature et de poésie, ne manquait jamais d’inviter à sa table tout ce qui pouvait avoir l’air d’être artiste. Il collectionnait les portraits de Napoléon premier, et rammassait dans les journaux, les crimes, les suicides et les catastrophes. Il avait réuni sa collection sous une reliure blanche à bordure bleue avec pour titre : « Les morts violentes », ce qui lui valu la dédicace suivante de Victor Hugo : « Les rois ont fait Quatre vingt treize, vous avez fait les Morts violentes ».

Il avait un jeune apprenti surnommé Mürer qui venait de publier un livre au titre sibyllin : La revanche des Bâtards, mais nous en reparlerons un peu plus tard dans un autre article qui lui sera consacré en raison du rôle capital qu’il a joué dans l’histoire des Impressionnistes…

Au numéro 13, dans la cour, c’est aujourd’hui l’extraordinaire Théâtre du Nord-Ouest.

Pendant le siège de Paris, l’emplacement était occupé par un journal dirigé par un certain… Alfred Sirven.

Sources : Firmin Maillard, Privat d’Anglemont, Charles Monselet, Alfred Delvau et Hillairet (avec modération).

[1] Ce n’est pas au numéro 13 de la rue du faubourg Montmartre qu’est mort Isidore Ducasse, comme le dit Hillairet dans Connaissance du vieux Paris, mais au numéro 7, l’immeuble où se trouve « Le Bouillon Chartier ».

[2] Aujourd’hui « Le Palace », ou ce qu’il en reste…



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