« Ce qui me paraît le plus complexe dans la vie, ce sont les rapports amoureux et les liens d’amitié. Tous deux sont parfaitement incompréhensibles. »
Jean-Claude Izzo en 1998 à Christine Ferniot.
« La fonction du romancier est bien d’aller là où, dans la vie quotidienne, on évite d’aller. »
Jean-Claude Izzo en 1998 à Christine Ferniot.
« Je crois au bonheur tout en étant pessimiste sur l’avenir de la société. »
Jean-Claude Izzo en 1998 à Christine Ferniot.
« Ce qui est terrible, c’est que plus j’écris, plus je désespère. »
Jean-Claude Izzo en 1998 à Alexandra Schwartzbrod.
A cinquante ans, Izzo publie en 1995 son premier polar, Total Kheops, parce qu’il ne trouve nulle part un roman contemporain sur Marseille comme il aimerait en lire, qui mêle le passé et la ville d’aujourd’hui, et les différentes migrations qui la composent.
Les tirages se chiffreront en centaines de milliers d’exemplaires. Record à battre pour un ouvrage de la Série noire. Les deux autres volumes de la trilogie consacrée à l’ex flic Fabio Montale, Chourmo et Solea, paraissent en 1996 et 1998. Dans le troisième, Izzo fait mourir Montale.
Amoureux du jazz, de Marseille – mais pour lui, il n’existe pas d’« école marseillaise » du polar – et de ses habitants, d’un amour dont héritent ses lecteurs, son itinéraire est celui de ses personnages. La biographie de Fabio Montale ressemble à la sienne.
Naissance en 1945 à Marseille (6 rue Ferdinand-Brunetière) d’une couturière espagnole d’un barman italien installé dans un café de la place de Lenche. Mme Izzo est née en 1918 au 6 rue des Pistoles. Jean-Claude passe plus de vingt ans dans le 4e arrondissement de Marseille « à l’ombre d’un père absent mais aimé » [1]. Il étudie au collège du boulevard Boisson. Bien que bon élève, on l’oriente ensuite vers un lycée technique, celui des Remparts, boulevard de la Corderie, en vue d’un CAP de tourneur-fraiseur. Il s’y ennuie, échoue à l’examen. Il passe du temps dans un endroit à la chaleur plus communicative : le foyer de l’aumônerie du lycée, dans le couvent de dominicains de la rue Rostand. Les jeunes y organisent eux-mêmes un débat hebdomadaire, qui voit défiler toutes sortes d’invités. Jean-Claude prend en main la rédaction du journal de l’aumônerie, Le Canard technique. Le foyer ouvre bientôt un ciné-club. Jean-Claude se passionne pour le cinéma, la poésie, la pauvreté dans le Tiers-Monde. Dans les années 1960, il milite à Pax Christi, mouvement chrétien pour la paix. Que ses engagements soient politiques ou non, le militantisme est dans sa nature. « Ayons des actions associatives, politiques. Si au bistrot on écoute sans rien relever un type du Front national déblatérer sur les immigrés, il faut admettre que c’est une lâcheté. » [2]
Le voilà employé de la librairie La Clairière, rue Grignan, puis à Toulon. Il refuse d’effectuer son service militaire et est envoyé en bataillon disciplinaire à Djibouti. Tout n’est pas perdu. C’est le pays de Rimbaud…
De retour à Marseille en 1966, il fait un passage à la librairie Flammarion sur la Canebière. Il suit en 1967 une partie des militants de Pax Christi au Parti Socialiste Unifié, puis passe au Parti Communiste Français en août lorsque celui-ci désapprouve l’invasion de la Tchécoslovaquie. Il devient pigiste pour La Marseillaise, et bientôt rédacteur en chef adjoint chargé des pages culturelles. Ces années 1970 sont aussi celles de ses publications poétiques.
On le retrouve en 1980 pigiste pour La Vie mutualiste, puis rédacteur en 1982 puis grand reporter en 1985. Il s’installe rue Paul Bert à Paris en 1981. Il est nommé rédacteur en chef en 1987 et chargé de transformer La Vie mutualiste en Viva. Après un conflit interne, il démissionne l’été 1987, sans avoir eu le temps de réceptionner un reportage sur la Californie demandé à un certain Michel Le Bris, dont L’Homme aux semelles de vent paru en 1977 est devenu la « bougie » d’Izzo, lui faisant « quitter l’idéologie pour le réel » (et, du même coup, sa femme en 1978 et le parti communiste et La Marseillaise en 1979 !).
Il faut attendre 1990 pour que les deux hommes se retrouvent, après une collaboration d’Izzo entre 1988 et 1990 au Carrefour des littératures européennes à Strasbourg.
Le Bris et Izzo investissent leur passion pour la littérature et le voyage dans le festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo, dont la première édition a lieu en 1990 et dont Izzo est le monsieur Presse. Grâce à Le Bris, il fait la connaissance de Jim Harrison (un écrivain de son panthéon personnel, aux côtés de Camus, James Cain, Stevenson, Conrad…). Rencontrer les écrivains qui se rendent chaque année à Saint-Malo apaise ses angoisses à l’égard de l’écriture.
Il écrit une nouvelle marseillaise en 1993 pour le magazine Gulliver qui accompagne le festival. C’est – il ne le sait pas encore – le premier chapitre de Total Khéops.
L’essentiel, dit-il de ses polars, « c’est le reste » [3] : ce qui fait vivre les gens, les relie, les déchire, et ses trois thèmes marseillais préférés : la mafia, le racisme et la misère sociale.
Il décède en janvier 2000 d’un cancer, à l’hôpital Sainte-Marguerite à Marseille.
Sources :
Jean-Claude Izzo, trajectoire d’un homme, biographie de Nadia Dhoukar introduisant la trilogie Fabio Montale (Total Khéops, Chourmo, Solea), Folio policier n°420.
Marseille, héroïne de polars, article de Michel Samson dans Le Monde du 6 décembre 1997,
Izzo, l’homme qui a fait de Marseille un personnage, article de Michel Samson dans Le Monde du 28 janvier 2000,
Le soleil s’est éteint pour Izzo, article d’Alexandra Schwartzbrod dans Libération du 27 janvier 2000,
Jean-Claude Izzo. Entretien avec Christine Ferniot. Magazine Lire, été 1998.
A voir :
www.jeanclaude-izzo.com.