Théophraste Renaudot n’est pas avant tout un écrivain, bien qu’il ait laissé son nom à un grand prix littéraire. Théophraste, c’est un peu le Marcel Dassault ou le Jean-Luc Lagardère (son élève) de Louis XIII… à quelques différences près, bien sûr.
Il s’appuie sur Richelieu et Louis XIII comme eux ont besoin de lui. Orphelin, protestant, médecin, il participe à la naissance de la presse moderne avec la création du journal La Gazette en 1631, organe de propagande officielle, et met son intelligence et son opportunisme au service des pauvres en ouvrant des consultations médicales gratuites et un service de l’emploi avant l’heure.
Il se marie et s’installe en 1609 à Loudun, la ville qui l’a vu naître en 1586 dans ce qui est aujourd’hui le musée Renaudot [1] et qu’il a quittée en 1602 pour suivre des études de médecine à Paris puis à l’université de Montpellier, davantage à l’avant-garde du progrès médical.
Le prédicateur franciscain François Leclerc du Tremblay (dit le "père Joseph", fameuse "éminence grise" de Richelieu) remarque son traité Sur la condition des pauvres du royaume, rédigé en 1610 et dans lequel Renaudot propose du travail pour tous et souhaite que les pauvres valides soient employés à l’entretien des rues. Cela lui vaut de devenir "médecin ordinaire" de Louis XIII en 1612, et "commissaire général des pauvres du royaume" en 1618.
Richelieu, encore simple évêque, vit dans son prieuré de Coussay à quatre lieues de Loudun lorsqu’il fait la connaissance de Renaudot. Richelieu entre dans le Conseil du roi en 1624. Il demande l’année suivante à Renaudot de quitter Loudun pour Paris, afin d’y préparer l’ouverture d’un "bureau d’adresses". Renaudot se convertit au catholicisme en 1628. Le bureau d’adresses voit le jour en 1630 dans la maison du Grand coq, entre la rue de la Calandre d’alors et le quai du Marché neuf (une grande plaque 8 quai du Marché-neuf en garde aujourd’hui le souvenir).
C’est l’ancêtre de l’ANPE. Employeurs et employés viennent s’y mettre en rapport. Richelieu pense que cela peut détourner un peu le peuple de mauvaises intentions.
Renaudot fait imprimer les annonces sur des affichettes… et les gens trouvent du travail ! Les pauvres de Paris seront même obligés dans les années 1630, par ordonnance de police, de s’inscrire au bureau d’adresse de Renaudot.
C’est également dans la maison du Grand coq qu’est publiée La Gazette à partir de 1631, diffusant des nouvelles (officielles) du royaume et les annonces des uns et des autres. Il avait découvert lors d’un voyage en Italie les feuillets d’annonces vendus pour la somme d’une "gazetta", la monnaie locale [2].
Puis des conférences publiques y sont bientôt données sur les thèmes les plus variés. Et à partir de 1640, des consultations médicales gratuites y sont proposées par plusieurs médecins, au grand mécontentement de la Faculté de Paris.
Toutes ces actions sont bien sûr soutenues par le cardinal. Donner au peuple pour mieux le contrôler…
Il ouvre un autre bureau d’adresses au Louvre au début des années 1640. La faculté de médecine de Paris le regarde tout de même d’un mauvais oeil car il fait parfois appel à des médecins de Montpellier et le roi l’a autorisé en 1640 à ouvrir un laboratoire pour concevoir des préparations médicamenteuses.
Jamais à court d’idée, Renaudot importe de Rome un autre concept : celui du Mont-de-piété, qui permet aux personnes dans le besoin d’obtenir un prêt en laissant un objet en gage. Il veut ainsi diminuer la pratique de l’usure.
La mort de Louis XIII en décembre 1642 et celle de Richelieu quelques mois plus tard lui ôtent ses précieux soutiens. Ses consultations médicales et ses conférences sont bientôt interdites par le Parlement. Mazarin permet cependant à La Gazette de continuer de paraître, mais moins régulièrement. D’autres journaux commencent à voir le jour en province.
Renaudot est nommé historiographe du Roi en 1645.
Le bureau d’adresses ferme en 1646. Renaudot se retire rue Saint-Honoré, restant discret pendant la Fronde entre 1648 et 1653. Lorsque la famille royale part se protéger à Saint-Germain-en-Laye, il l’accompagne et dirige l’imprimerie installée à l’Orangerie du château. Il est de retour à Paris en 1649.
Après sa mort en 1653 au Louvre où il habite, son fils aîné poursuit la publication de La Gazette, sans empêcher la naissance d’autres journaux.
A voir :
le musée Théophraste Renaudot, 2 Petite rue du jeu de paume, 86200 Loudun (05 49 98 27 33, musee.renaudot@wanadoo.fr, www.museerenaudot.com).
Sources :
http://www.md.ucl.ac.be/loumed/V124/364-374.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Théophraste_Renaudot
www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/renaudot.html
[1] Richelieu passe son enfance non loin à… Richelieu, magnifique gros bourg dont le château, édifié par le cardinal, a malheureusement disparu. Le château, abandonné après la révolution, est démoli en 1835. C’était le plus grand de France construit avant Versailles et il abritait les oeuvres d’art du cardinal. Contact : 02 47 58 10 09, www.monuments-touraine.fr/page.php ?id_noeud=108.
[2] La Gazette parviendra peu à peu à constituer un réseau de correspondants à travers le monde. Elle perdure sous le nom de Gazette de France jusqu’en 1915. Les premiers ouvrages d’information étaient les almanachs, nés à la fin du XVe siècle. Le Mercure français paraît depuis 1605 - François Leclerc du Tremblay le dirige entre 1624 et 1638. Mais lorsque Renaudot obtient un privilège royal et exclusif pour La Gazette, il donne naissance à la presse hebdomadaire. En réalité, les libraires protestants Vendosme et Martin démarrent au même moment la publication régulières des Nouvelles ordinaires de divers endroits… que Renaudot fait interdire. Il crée aussi un mensuel en 1632, les Relations des Nouvelles du Monde, et succède au père Joseph à la direction du Mercure français de 1638 à 1644.