George SAND en 1848

et la ruine de ses espoirs révolutionnaires
Le samedi 10 décembre 2005.

[Lamartine], jésuite naïf, espèce de Lafayette qui veut être président de la République, et qui en viendra à bout […] parce qu’il ménage toutes les idées et tous les hommes, sans croire à aucune idée et sans aimer aucun homme.
George Sand, lettre à son fils Maurice, fin avril 1848.

Après la difficile année 1847 (rupture avec Chopin, difficultés du couple que forme sa fille Solange avec le sculpteur Clésinger), 1848 est, à plusieurs titres, une année cruciale pour George Sand : elle vient de se mettre à l’écriture de l’Histoire de ma vie ; elle s’engage corps et âme dans la révolution, et, après le 15 mai, s’en retire profondément découragée ; elle ne composera plus ensuite de ses « romans socialistes » comme Le Compagnon du Tour de France (1840), Horace (1841), La Comtesse de Rudolfstadt (1843), Jeanne (1844), Le Meunier d’Angibault (1845), ou Le Péché de Monsieur Antoine (1847).

Ce sont l’avocat Michel de Bourges et Pierre Leroux qui l’ont initiée au socialisme à la fin des années 1830. Elle a fondé avec ce dernier La Revue indépendante en 1841. Deux ans plus tard, Leroux s’est installé comme imprimeur à Boussac, non loin de Nohant, et y a créé une communauté socialiste. Il y imprimait aussi L’Éclaireur de l’Indre, créé par Sand en 1843 [1].
Elle s’est ainsi forgée peu à peu une doctrine sociale, chrétienne et utopique qui prône la création de communautés fraternelles pour dépasser les antagonismes de classes.

En 1847-1848, elle s’éloigne de Leroux qu’elle soutient matériellement depuis des années mais qui lui semble maintenant vivre un peu en parasite. Elle dit de lui : « Entre le génie et l’aberration, il y a souvent l’épaisseur d’un cheveu » (lettre du 22 janvier 1848 à Mazzini). Leroux est élu à l’Assemblée à Paris en juin 1848 et s’attire les moqueries de la presse par son accoutrement et sa maladresse. Il est davantage un homme de réflexion que d’action.

Sand s’est rapprochée de Louis Blanc et collabore à La Réforme de Ledru-Rollin.
Aussitôt après la révolution, elle arrive à Paris le 1er mars, inquiète, à la recherche de son fils Maurice qu’elle retrouve sain et sauf. Elle retourne à Nohant du 8 au 21, pour regagner ensuite la capitale, créant l’hebdomadaire La Cause du peuple et rédigeant jusqu’au 29 avril, sans les signer, des articles pour le Bulletin de la République, où elle tente de convaincre les campagnes de payer l’impôt républicain et de voter pour la République. Son adresse est alors le 8 rue de Condé, chez Maurice.

Le 16 avril, le 15 mai et juin 1848 provoquent la ruine de ses espoirs de révolution sociale. Elle s’éloigne du gouvernement, qu’elle assimile à un pouvoir bourgeois. Elle repart à Nohant le 17 mai au soir. Elle a attendu deux jours après le 15, s’attendant à être arrêtée mais ne voulant pas donner l’impression qu’elle fuit.

Après son retrait du Bulletin et l’échec de La Cause du peuple, elle collabore à La Vraie République du socialiste Thoré. Elle écrit à un cousin le 20 mai : « Les meneurs de la véritable idée sociale ne sont guère plus éclairés que ceux qu’ils combattent et jouent trop la partie à leur profit. […] [Le peuple] manque de guides à la hauteur de leur mission ». En juillet, elle partage la tristesse de Lamennais, et l’exprime en particulier à son éditeur Hetzel.

Le 1er juin 1848, elle reprend la rédaction de Histoire de ma vie, dont la publication commence à l’automne 1854 dans La Presse de Girardin (elle aurait pu commencer plus tôt, mais l’éditeur craignait la censure impériale). Sand ne s’épanche sur 1848 ni dans ces mémoires, ni ailleurs dans son œuvre, se contentant de l’évoquer dans la préface de La Petite Fadette, composée en août 1848.

Elle écrit le 22 décembre dans La Réforme : « Le peuple n’est pas politique. […] Mais un peu de patience. Dans peu de temps, le peuple sera socialiste et politique, et il faudra bien que la république soit à son tour l’un et l’autre ». Elle pense maintenant que seules la patience, la sagesse et la raison permettront au peuple d’évoluer vers la république sociale.

Il lui faudra attendre 23 ans pour que la Commune de Paris confirme cette prophétie. Mais la révolution sociale se heurte alors à l’incompréhension de Sand, sinon à sa haine. Influencée par Flaubert, Dumas Fils et d’autres, elle ira même jusqu’à attaquer Hugo pour sa clémence envers les Communards.

[1] La politique de L’Éclaireur se rapprochait de celle du journal parisien La Réforme, sur lequel régnait Ledru-Rollin, avocat de verve facile, de belle prestance, au sourire aimable, mais paresseux et assez opportuniste, car il avait fait un mariage riche et courait les femmes (André Maurois, Lélia ou la vie de George Sand).



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