Une Balade dans le Nord sur les pas de ses écrivains…

Le vendredi 13 mai 2005.
Les Éditions Alexandrines (www.alexandrines.fr) sillonnent depuis 1997 chaque département français à la recherche des lieux de vie et de la petite histoire de ses écrivains. Leurs balades littéraires sont à la fois des incitations à la promenade et des prétextes à la redécouverte de grands auteurs sous un angle souvent ignoré : la mise en lumière de l’influence du « pays » d’un auteur et des lieux qu’il a fréquentés sur son œuvre…

Récemment parue, Balade dans le Nord dessine toute une géographie littéraire à travers « ce plat pays » aux cieux immenses et changeants que subliment les peintres et chantent les poètes. Nous arpentons cette terre du nord au sud, d’est en ouest, de Dunkerque à Condé-sur-l’Escaut, traversant à Hazebrouck et Bailleul les paysages des Flandres, nous arrêtant un moment dans l’agitation de la métropole lilloise et de ses banlieues et poursuivant dans le Valenciennois, le Cambrésis et dans le Pays noir des mineurs, cher à Zola.

Au cours de cette balade, c’est l’écrivain qui se fait guide, qu’il se nomme André Stil, Émile Zola ou Marguerite Yourcenar, qu’il soit poète comme Emmanuel Looten et Pierre Dhainaut, grand patoisant lillois comme Brûle-Maison, Desrousseaux et Simons ou qu’il fasse l’actualité littéraire comme Jacques Duquesne, Michel Quint ou Marie Desplechin… Chacun de ces écrivains est présenté par son meilleur biographe soulignant son attachement au Nord et chaque présentation est suivie d’un texte de l’auteur inspiré par son « pays ». Des photos de famille et de leurs lieux de vie illustrent l’ensemble.

« J’appartiens au Nord comme l’aube appartient à la terre. Cette région pudique est bigarrée comme un marché et mystérieuse comme un rêve. » Jacques Duquesne, enfant chéri du Nord, ouvre la balade et nous parle de son Dunkerque natal. Il dit son attachement à ce pays où il a situé l’action de la plupart de ses romans, et son affection pour les hommes et les femmes du Nord : « Cette région est riche en humanité. En histoires et en Histoire qui disent l’effort, les joies, les amours et les drames des hommes. Et des femmes : Michelet disait que chez nous, « une femme vaut un homme et parfois deux », compliment - j’écrirais plutôt « constat » -, rare en son temps. »

Nous partons ensuite à Malo-les-bains sur les traces de Pierre Herbart, écrivain aujourd’hui oublié, qui fut pourtant le grand ami et le collaborateur précieux d’André Gide. L’auteur nous fait partager ses premières amours vécues en toute innocence et au grand air sur les plages du Nord. Pierre passe l’été de ses dix-huit ans dans une cabane de bois, louée par sa mère, en compagnie d’Alain un camarade de classe… Une période d’intense bonheur qui le marquera à jamais et qui lui inspirera des lignes magnifiques dans son roman sur sa jeunesse nordiste, L’Âge d’or.

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« Oui, je suis bien de là, de ce petit bout de terre méconnu qui remue d’autant le voyageur égaré qu’il ne s’y attend pas. Il s’est gravé en moi dès l’enfance et y a laissé son empreinte avec tendresse. » Annie Degroote dont les romans « respirent la Flandre, sa pudeur et sa truculence, sa tendresse et sa démesure », nous entraîne sur les lieux de son enfance, dans le pays du Houtland. Elle évoque les figures emblématiques de son Hazebrouck natal, parmi lesquelles l’abbé Lemire et le colporteur Tis’je Tas’je, que l’on retrouvera dans son œuvre et qui donnera naissance à un géant de papier…

« Ici, il y a comme en Hollande, comme dans la Flandre belge, je dirais même dans le Danemark, ces immenses paysages plats avec de grands ciels, où les nuages changent sans cesse l’immensité du ciel… » Au Mont-Noir qui domine la plaine de Flandre, nous découvrons les paysages et les lieux que Marguerite Yourcenar fréquentait petite. La première dame académicienne y passe les neuf premiers étés de sa vie et y connaît sa première neige. « Mes souvenirs du Mont-Noir, disait-elle, sont les plus forts », « j’ai appris à aimer tout ce que j’aime encore. » « Le grand parc en pente douce et quelques bâtiments suffisent à évoquer “un paysage presque identique à celui que je regardais de ma chambre d’enfant” écrira-t-elle en 1980, ajoutant : “Le temps était aboli.” » Tous ses souvenirs d’enfance sont consignés dans sa trilogie du « Labyrinthe du monde » composée de Souvenirs pieux, Archives du Nord et Quoi ? L’Éternité.

« D’ici, de Lille où je vis, on est pile à hauteur d’horizon et d’homme, on voit jusqu’aux Alaskas et jusqu’au cœur des gens. Que demanderais-je de plus pour écrire… ? » Michel Quint évoque les lieux de sa jeunesse partagée entre le pays minier où habitaient ses grands-parents et l’attirante métropole lilloise, parce qu’animée, avec ses cinémas de quartier, ses librairies, son théâtre Sébastopol et le Mongy, son fameux tramway.

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À Lille encore, l’on se rend sur les traces de la famille de Gaulle, véritable lignée d’écrivains. La maison natale de Charles de Gaulle existe toujours et se visite. Le général qui aimait à dire « nous autres, gens du Nord, ne nous payons pas de mots » avait deux aïeuls passionnés comme lui, par l’écriture. Son grand-père Julien, et sa grand-mère Joséphine ont écrit suffisamment de livres pour remplir plusieurs étagères de bibliothèque.

À Douai, l’on découvre un haut lieu littéraire, un centre important, une Cour d’appel où les écrivains viennent d’ailleurs… Rimbaud et Verlaine, originaires des Ardennes sont les hôtes réguliers d’amis du Nord. Fuyant sa ville natale de Charleville et l’étouffante tutelle de sa mère, Rimbaud se rend à Paris en août 1870. Sans argent pour payer le train, il est arrêté et fait prisonnier à Mazas. C’est là qu’il fait appel à son jeune professeur de lettres, le douaisien Georges Izambard, qui l’accueille chez lui à deux reprises. De retour en Ardennes, Rimbaud entretiendra avec lui, durant l’année 1871, une correspondance assez suivie ainsi qu’avec le poète douaisien, Paul Demeny.

C’est dans cette même ville que Marceline Desbordes-Valmore voit le jour, le 20 juin 1786. Partie de Douai à l’âge de dix ans, Marceline est non seulement une poétesse mais aussi une épistolière acharnée ; elle écrit à d’illustres correspondants dont Lamartine, Balzac, Hugo ou Dumas père, et jusqu’à vingt lettres chaque jour. Dans l’une d’elles, elle a des mots très émouvants pour s’opposer à la peine de mort : l’échafaud était monté sur la place d’Armes de Douai, en face de la maison familiale. Tout au long de sa vie, elle garde constamment la ville et les douaisiens dans son cœur, comme en témoigne Le ruisseau de la Scarpe, poème composé avant sa mort…

Dans cette Balade dans le Nord, nombre d’écrivains nous servent aussi de guides : Maxence Van der Meersch et Marie Desplechin à Roubaix, Emmanuel Looten à Bergues, les grands patoisants, Albert Samain et Noël Simsolo à Lille, Jules Watteeuw à Tourcoing, Fénelon à Cambrai, Jehan Froissart à Valenciennes, Émile Zola à Anzin, André Stil à Hergnies et Charles Deulin à Condé-sur-l’Escaut.

Un ouvrage, que d’après la formule de Philippe Lacoche « il faut lire à tout prix pour mettre un peu de poésie à ses semelles et ne pas marcher idiot ». Bonne balade dans le Nord !

Balade dans le Nord, collection Sur les pas des écrivains. ISBN 2-912319-33-1
Ouvrage collectif, 11cms x 21cms, sur beau papier ivoire, relié avec rabats, couverture couleur, 264 pages, 96 illustrations en noir et blanc.
Prix : 20 euros.
Toutes les balades des Éditions Alexandrines sont disponibles en librairies ou sur leur site Internet : www.alexandrines.fr.



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