"La vie secrète des Halles de Paris", de Philippe Mellot

Le dimanche 12 décembre 2010.

Avec le troisième volume de sa série des Rougon-Macquart, Émile Zola popularise en 1873 l’expression « ventre de Paris » pour désigner la place des Halles à Paris. « Ventre », parce que ses marchés alimentent la capitale et au-delà. Parce que, aussi, ces Halles sont situées au centre de la ville et grouillent chaque jour du soir au matin.

La construction des différents pavillons des Halles s’étale des années 1850 à… 1936 (mais surtout de 1854 à 1870). Détrônées par le marché de Rungis et celui de la Villette, les Halles de Paris seront détruites en 1971-1972. En souvenir, un pavillon sera remonté à Nogent-sur-Marne.

De par l’intense activité qui y règne la nuit, les Halles sont, à partir du milieu du XIXe siècle et pendant plus d’un siècle, le quartier où l’on peut trouver des cafés et restaurants ouverts à toute heure. Un haut lieu d’activités nocturnes, donc, aussi bien pour les commerçants que pour les poètes et artistes.

Philippe Mellot ressuscite ce quartier et ses alentours à travers un beau livre à l’iconographie riche et aux nombreuses citations (un peu trop d’ailleurs, à nos yeux, provenant des chroniqueurs de Paris Henri Boutet et Charles Fegdal).

On y croise Nerval au restaurant Baratte, 8 et 10 rue Berger, et au cabaret - moins calme et rutilant - de Paul Niquet, au fond d’une cour de la rue aux Fers ; Les Goncourt et Cocteau au Pied de mouton, rue Vauvilliers ; Francis Carco au Caveau des Halles (ou Caveau des Innocents, 15 rue des Innocents) ; Apollinaire à l’auberge L’Aigle d’or (au 41 rue du Temple - aujourd’hui le Café de la Gare et le Centre de Danse du Marais), Gavroche qui meurt rue de la Chanvrerie. On découvre, 24 rue de la Grande-Truanderie, le restaurant Pharamond, expert en tripes, qui existe toujours et a accueilli Fitzgerald, Hemingway et plein de beau monde depuis sa création en 1832 (également sous l’enseigne La Petite normande). Autres rendez-vous - disparus - des artistes et poètes : le café Momus, 17 rue des Prêtres-Saint-Germain-L’Auxerrois, le cabaret de la mère Moreau, 4 place de l’École, le café Manoury au n°1 de la place, l’auberge du Compas d’or, 64-72 rue de Montorgueil, où les maraîchers remisaient leurs voitures et que l’on voit apparaître dans Le Ventre de Paris [1]. On a le bonheur de voir figurer les adresses des premiers Bouillons Duval, destinés à l’origine à nourrir à petits prix les travailleurs de la nuit.

Bref, un livre à prendre sous le bras avec Le Ventre de Paris de Zola, lorsque, au petit matin, avant l’arrivée des touristes et des parisiens, on déambule dans le quartier des Halles sur les traces de ce passé presque disparu.

La vie secrète des Halles de Paris, 240 pages, éditions Omnibus 2010, 31 euros.

[1] Et qui fut le théâtre d’un crime de Lacenaire en 1836.



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