Joseph ROTH à Paris (1933-1939) - Fin

Le vendredi 20 juin 2008.

(Suite de Joseph ROTH à Paris (1933-1939) - Début).

9 juillet 1936
Roth accepte une invitation de Zweig à Ostende. Il y retrouve Hermann Kesten, Egon Erwin Kisch et Ernst Toller [1]. Il fait la connaissance de l’écrivain Irmgard Keun, émigrée en 1935.

Juillet 1936
Séjour à Ostende, hôtel de la Couronne. Roth essaie à nouveau de vendre ses nouvelles les plus récentes à divers éditeurs, ce qu’il ne peut faire qu’avec l’accord de l’éditeur Querido ; échec de la démarche. Début de la relation avec Irmgard Keun. Sous l’influence de Zweig, Roth refuse de consulter un médecin : son état ne s’améliore pas ; il ne mange qu’une fois par jour.
Il travaille au roman Les fausses mesures.
L’éditeur Viking Press (Huebsch) résilie son contrat : Roth perd toutes ses chances d’être publié dans les pays anglophones.

1er août 1936
Visite à Otto de Habsbourg à Stenokerzeel (Belgique).

8 août 1936
Landauer refuse de verser de l’argent à la livraison d’un nouveau manuscrit car le montant des avances autorisées est largement dépassé.

4 septembre 1936
Roth répond à l’invitation de son vieil ami Heinrich Wagner à venir le voir à Calais, avant que ce dernier ne parte pour Londres.

Septembre 1936
Le roman Confession d’un assassin, racontée en une nuit paraît chez Allert de Lange.

28 octobre 1936
Signature, à Amsterdam, d’un contrat entre Roth et Cornelis Johannes Vos, représentant d’un petit éditeur catholique, De Gemeenschap. La date de remise du roman La 1002e nuit est par la suite plusieurs fois repoussée. Roth obtient un droit de regard particulier sur la vente des droits dérivés de ses œuvres. Il obtient de son nouvel éditeur, à partir de décembre, une avance mensuelle de 125 florins. Le vol d’un de ces paiements par son secrétaire à Amsterdam défraie la chronique.

Novembre 1936
Roth voyage à Bruxelles et Zürich avec Irmgard Keun et Paula Grübel.

22 novembre-16 décembre 1936
Séjour à Vienne avec Irmgard Keun, à l’hôtel Bristol. Roth travaille au roman La crypte des Capucins.

Décembre 1936
Par l’intermédiaire de son contact à Vienne (sa belle-sœur Hedy Pompan), Roth envoie à l’éditeur De Gemeenschap les cent premières pages du Conte de la 1002e nuit.

Hiver 1936-1937
Invité par le PEN-Club polonais, Roth, accompagné d’Irmgard Keun, entreprend une tournée de conférences qui les mène à Lemberg (Lvov), Varsovie, Vilna et autres villes.
Jour de l’an chez des parents à Lemberg. Irmgard Keun rapporte que Roth se portait nettement mieux « chez lui » : il boit moins et mange avec appétit.

28 mars 1937
Une version de la conférence paraît dans la revue Der christliche Ständestaat sous le titre La superstition du progrès. Roth donne sa conférence dans la salle de l’association viennoise d’artistes Hagenbund.

15 avril 1937
Roth répond à une invitation de Friederike Zweig à Salzbourg, où il réside à l’hôtel Stein.

Pentecôte 1937
Le roman Les fausses mesures paraît chez l’éditeur Querido à Amsterdam.

8-22 mai 1937
Vienne, hôtel Bristol.
Roth se porte candidat pour une bourse de l’American Guild for German Cultural Freedom, fonds de soutien aux intellectuels émigrés, auprès duquel il joue également le rôle de conseiller. Il repart peu après pour Salzbourg.

Juin 1937
Bruxelles, hôtel Cosmopolite.
Le Conte de la 1002e nuit ne paraît pas. Roth travaille au roman La crypte des Capucins pour continuer à recevoir des avances et corrige en même temps le précédent roman. L’éditeur De Gemeenschap s’impatiente.
Roth demande à Blanche Gidon de s’entremettre pour lui afin d’obtenir le versement d’une avance de la revue Candide ; il soupçonne l’éditeur Allert de Lange de retenir des honoraires qui lui étaient destinés.
Un périodique américain souhaite publier des nouvelles de Roth, mais ses papiers sont toujours chez Manga Bell et chez son avocat Samuel Feblowicz à Paris. Il sollicite également l’aide de Blanche Gidon sur ce point.
Querido cesse de défendre les intérêts de Roth en France. Roth espère que Blanche Gidon pourra faire publier Les fausses mesures par des éditeurs français ; il estime que ce roman est plus réussi que Confession d’un assassin.

Juillet 1937
Hermann Kesten invite Roth à Ostende.
Un accord entre l’Allemagne et l’Autriche doit pacifier les relations entre les deux pays : les attentats nazis diminuent et des sympathisants nazis sont nommés à des postes officiels et au gouvernement. Les tentatives d’intégration de Schuschnigg ont aussi peu d’effet que ses déclarations sur l’indépendance de l’Autriche et les différences foncières avec le troisième Reich.

22 juillet 1937
Décès à Vienne de Karl Tschuppik, ami très proche. Roth déplore deux nécrologies. Il déplore la perte de nombreux proches dans les dernières années.

4 août 1937
L’éditeur zurichois Niehans propose à Roth de collaborer à la revue bimestrielle Maß und Wert à laquelle participent, entre autres, Thomas Mann, Konrad Flake, Ferdinand Lion (et, à partir de 1939, Golo Mann et Emil Oprecht). Il refuse l’honoraire « dérisoire ».

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La dernière demeure de Joseph Roth, 18 rue de Tournon.

8 août 1937
Bruxelles. Le gérant des éditions De Gemeenschap étant en congé, Roth ne perçoit pas son versement mensuel. L’hôtel exige d’être payé, Roth n’a plus rien, « excepté des timbres » ; il demande à nouveau de l’argent à Stefan Zweig. Il ne voit pas d’issue et cherche à allonger les délais de remise de ses manuscrits.

Octobre 1937
Paris, hôtel Foyot.

2 novembre 1937
L’hôtel Foyot, résidence de Roth depuis de longues années, est détruit. Il emménage d’abord à l’hôtel Paris-Dinard, tout proche. À partir du printemps 1938, il réside à l’hôtel de la Poste, 18 rue de Tournon, juste en face de l’emplacement de l’hôtel Foyot. Y habitent également Soma Morgenstern et Jean Janès ainsi que, temporairement, Stefan Fingal.

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Les hôtels Foyot et de la Poste.

12 février 1938
Un entretien entre Hitler et Schuschnigg à Berchtesgaden démontre la position de faiblesse de Schuschnigg et laisse présager l’Anschluß. Contre la propagande nazie, Schuschnigg essaie de démontrer l’attachement de la population à l’Autriche en appelant à un référendum sur la liberté et l’indépendance de l’Autriche, le 13 mars 1938. Alors que l’influence nazie est très forte au sein du gouvernement (de nouveaux ministres sont des nazis déclarés, comme Arthur Seyß-Inquart), Schuschnigg ne tente qu’un timide rapprochement en direction des dirigeants sociaux-démocrates.

24 février-2 mars 1938
Roth se rend pour la dernière fois à Vienne, pour le compte des légitimistes autrichiens. Il descend à la pension-hôtel Atlanta. Le dernier discours de Schuschnigg devant le Parlement, retransmis à la radio, inspire à Roth son article « Victoria victis » qui paraît dans le dernier numéro de Der Christliche Ständestaat. Roth essaie d’être reçu par le chancelier Schuschnigg pour plaider en faveur d’une prise du pouvoir par Otto de Habsbourg, sans résultat. L’offre du prétendant Otto de Habsbourg d’assumer la responsabilité du gouvernement en Autriche afin de faire échec à la menace de l’annexion allemande est rejetée par Schuschnigg. Les chances de réussite d’une telle entreprise, si elle avait été réalisée, sont généralement jugées assez faibles.

2 mars 1938
Roth quitte Vienne.

11 mars 1938
Démission de Schuschnigg imposée par l’Allemagne. Arthur Seyß-Inquart forme un gouvernement provisoire.

13 mars 1938
Les troupes d’Hitler entrent en Autriche ; l’Anschluß est accompli. Très rapidement, les lois nazies entrent en vigueur en Autriche. L’émigration de nombreux persécutés commence. D’éminents opposants à l’Allemagne (également issus du camp conservateur) sont internés et envoyés en camp de concentration. La France et de l’Angleterre n’expriment pas l’opposition espérée.

16 mars 1938
Paris, hôtel de la Poste.
Après une présentation de Pierre Bertaux, Roth tient à la radio française un discours sur l’annexion de l’Autriche.
Contact avec Hubertus zu Löwenstein [2] et poursuite de l’activité politique en faveur de l’American Guild for German Cultural Freedom. Roth assiste des émigrés et participe à des actions caritatives.
En raison des événements politiques, Roth persuade l’éditeur De Gemeenschap d’avancer la sortie du roman La crypte des Capucins et de retarder la publication de Le conte de la 1002e nuit, bien qu’elle soit complètement corrigée et déjà imprimée à quelques exemplaires.

28 mars- 4 avril 1938
Réunions organisées par le Comité de défense des écrivains allemands et le Congrès international pour la défense de la culture en faveur de l’Autriche. Roth participe activement à ces deux manifestations.

13 juin 1938
Cérémonie commémorative organisée par le Comité de défense des écrivains allemands en l’honneur de l’auteur autrichien Ödon von Horváth, mort à Paris le 1er juin. Roth figure parmi les orateurs.

30 septembre 1938
Avec les accords de Munich, l’Angleterre, la France et l’Italie concèdent à l’Allemagne l’annexion du pays des Sudètes.

Fin de l’automne 1938
Roth se rend à Amsterdam pour rencontrer l’éditeur de Lange. Il écrit La légende du saint buveur. Il est épuisé, physiquement et intellectuellement. Il aurait emprunté à l’hôtelier l’argent de son billet de retour à Paris.

Fin décembre 1938
Le roman La crypte des Capucins paraît chez l’éditeur De Gemeenschap, à Bilthoven.

21 janvier 1939
Dorothy Thompson, présidente du PEN-Club américain, invite Roth à la World’s Fair qui se tient à New York du 5 au 10 mai 1939. Roth accepte mais ne part pas.

15 février-1er mai 1939
Une série d’articles de Roth paraît dans la revue monarchiste Die Österreichische Post sous le titre Journal noir et jaune (Schwarz-gelbes Tagebuch). À partir de février 1939, Roth exprime de violentes divergences avec la direction de la revue (sans sortir des limites de la correspondance privée). La crypte des Capucins paraît en feuilleton dans cette revue.

Printemps 1939
Roth travaille à un essai sur Georges Clemenceau.
Mauvaise santé ; ses amis Soma Morgenstern, Ludwig Marcuse, Stefan Fingal et Jean Janès le soutiennent. Il rencontre souvent Blanche Gidon et Friederike Zweig.

11 mars 1939
Pour le premier anniversaire de l’annexion de l’Autriche, Roth participe à plusieurs rassemblements. Une grande manifestation de la Ligue de l’Autriche vivante (dont Roth est vice-président avec Franz Werfel et Emil Alphons Rheinhardt) se tient à la salle Adyar.

16 mars 1939
Hitler annonce la formation du Reichsprotekorat de Bohême-Moravie, qui fait partie du Grand Reich. Il poursuit ainsi sa politique d’annexion, soulevant pour la première fois des protestations officielles sans, toutefois, aucune sanction.

27 avril 1939
Contrat de Roth avec l’éditeur de Lange pour la nouvelle La légende du saint buveur en lieu et place de l’essai sur Clemenceau.

9 mai 1939
Roth promet à la Guild for German Cultural Freedom un article qui ne paraîtra jamais.

24 mai 1939
Roth apprend au café Le Tournon la nouvelle du suicide d’Ernst Toller à New York : il s’effondre. Alertés par l’hôtelière, Blanche Gidon, Friederike Zweig et Soma Morgenstern le font transporter à l’hôpital Necker.

27 mai 1939
Roth meurt à 5 h 55 à l’hôpital Necker.

30 mai 1939
Roth est enterré à 16 heures au cimetière de Thiais.
Les papiers de Roth qui se trouvent à l’hôtel sont rassemblés et conservés par différentes personnes.

Juin 1939
La légende du saint buveur paraît aux éditions Allert de Lange.

3 juin 1939
Représentation unique, au théâtre Pigalle, de l’adaptation théâtrale de Hiob, réalisée par Victor Clerment, sur une musique d’Erich Zeisl.

Août-septembre 1939
Pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Le 1er septembre, l’Allemagne attaque la Pologne sans déclaration de guerre préalable. L’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre, après l’expiration d’un ultimatum. La Deuxième guerre mondiale commence.

Décembre 1939
Le conte de la 1002e nuit est publié dans sa version définitive par l’éditeur De Gemeenschap.

Printemps 1940
La nouvelle Leviathan est imprimé par l’éditeur Querido mais n’est vraisemblablement pas mise en vente.

Juillet 1940
Friederike Roth est transférée à l’hôpital psychiatrique de Niedernhart près de Linz, où elle est euthanasiée.

Source : Joseph Roth im Exil in Paris 1933 / 1939, de Heinz Lunzer et Victoria Lunzer-Talos (victoria.lunzer -at- univie.ac.at), 2008. Merci à François W. pour la traduction. Ce livre n’existe actuellement qu’en allemand. Une exposition lui est associée, qui viendra peut-être un jour à Paris. www.literaturhaus.at/veranstaltungen/roth_exil/presseinfo/

[1] (1893-1939) Écrivain révolutionnaire allemand. Sa participation à la République des conseils à Munich en 1919 lui vaut de passer cinq ans en forteresse. Auteur de plusieurs drames expressionnistes, il a laissé une intéressante autobiographie, Une jeunesse en Allemagne.

[2] (1906-1984) Universitaire et historien conservateur (il est prince…), il organise à partir de 1935 l’American Guild for German Cultural Freedom.



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