Une bonne dizaine d’années suffit à ce poète-là pour inventer une nouvelle poésie, lancer une nouvelle forme d’art (le cubisme, qu’il promeut à partir de 1910), devenir le Saint patron des surréalistes… et traîner sa cour de Montmartre à Montparnasse, puis de Montparnasse à Saint-Germain-des-Prés (Saint-Germain attendra cependant les années 1950 pour détrôner réellement Montparnasse).
Wilhem Apollinaris de Kostrowitzky naît à Rome en 1880 d’une mère polonaise et - La mère et ses deux fils s’installent en 1887 à Monaco, 15 rue Louis (devenue rue de la Poste, à La Condamine), puis villa Angélica, passage des Moulins (devenu passage Barriéra). Sa scolarité mènera aussi Guillaume à Cannes et à Nice
La famille arrive à Paris en 1899. Une de ses adresses sera le 9 rue de Constantinople.
Guillaume commence à écrire des poèmes, à faire des piges pour des journaux et différents métiers. En 1902, il rencontre Roland Dorgelès, qui l’attire à Montmartre. Ils collaborent parfois aux mêmes journaux : L’Intransigeant, L’Excelsior, Paris-Journal… Guillaume écrit aussi pour La Revue blanche, qui a compté ou compte les plumes de Zola, Gide, Proust, Verlaine, Jarry, Renard, etc., et dont le secrétaire est Félix Fénéon.
Vers 1903, il participe au sous-sol du Soleil d’Or (aujourd’hui le café du Départ place Saint-Michel, à l’angle du quai Saint-Michel) aux soirées de la revue La Plume.
Il se lie en 1904 avec Picasso, qu’il rencontre en 1904 à L’Austin’s. L’Austin’s existe toujours 24 rue d’Amsterdam. Apollinaire s’y rend après son travail, en attendant le train qui le ramène chez sa mère au Vésinet, qui est sa résidence principale jusqu’en 1907. Avec ses apparences élégantes (jusqu’en 1904, il est employé de banque rue de la Chaussée d’Antin, puis rédacteur en chef du Guide des rentiers…), il séduit tout le monde par ses origines slaves (il parle cinq langues !), sa grande culture (de l’Antiquité à Fantômas et Nick Carter), son physique de colosse, son appétit d’ogre (un de ses restaurants favoris est Chartier, rue Montmartre) et ses excentricités.
À l’Austin’s, il entretient une cour composée de Max Jacob, Picasso, Jarry, Vlaminck, Derain.
Il vit 9 rue Léonie, devenu 4 rue Henner, d’avril 1907, l’année de sa rencontre avec Marie Laurencin, jusqu’à octobre 1909.
Lorsqu’il rencontre le peintre Marie Laurencin, celle-ci vit avec sa mère 51 bd de la Chapelle. Toutes deux s’installent ensuite 32 rue La Fontaine, et Apollinaire s’installe en 1909 tout près de chez elles, 15 rue Gros, puis au 37 de la rue fin 1910, après les inondations du début de l’année.
Cette année-là paraît son roman L’Hérésiarque et Cie qui obtient quelques voix au prix Goncourt.
Une sale histoire va précipiter les choses : le vol de La Joconde au Louvre. Quelques années plus tôt, un vol de statuettes avait été perpétré par un des anciens collègues d’Apollinaire au Guide des rentiers, Géry Piéret, qui les avait ensuite vendues à Picasso par l’intermédiaire du poète. Piéret déclare à Paris-Journal qu’il a volé les statuettes et La Joconde (en fait, celle-ci, dérobée par un italien, ne réapparaîtra qu’en 1913). La police remonte jusqu’à Apollinaire, qui est emprisonné à la Santé du 7 au 11 septembre 1911, avant d’être libéré.
Ce bref épisode le traumatise. Sa photo paraît alors dans la presse. Il provoque son déménagement, n’est pas étranger à la fin de sa liaison avec Marie Laurencin… et, sans doute, à son engagement volontaire en août 1914.
Malgré son innocence dans cette histoire, son propriétaire de la rue Gros préfère en effet se délester d’un artiste à qui il arrive pareille mésaventure, et Apollinaire s’installe 10 rue La Fontaine fin 1911. Pour le remettre en selle, ses amis rachètent une revue, Les Soirées de Paris, et lui en confient la direction. Après le café de Flore, les comités de rédaction se déroulent 278 bd Raspail en 1912-1914.
Peu à peu, Marie et Guillaume s’éloignent. Il est hébergé par des amis, en particulier les Delaunay, 3 rue des Grands-Augustins. Les deux amants se revoient encore, mais sans vraiment se réconcilier. Marie épouse un peintre allemand en 1914.
Apollinaire s’installe en 1913 dans un appartement au dernier étage du 202 bd Saint-Germain, où il vivra jusqu’à sa mort en 1918 (plaque). C’est une enfilade de petites pièces reliées par des couloirs encombrés de livres, de statuettes et de tableaux. Une toute petite terrasse domine les toits de Paris.
C’est là qu’en voisin (il habite alors 4 rue de Savoie), Blaise Cendrars vient travailler avec lui sur le projet d’une revue commune, Zones, qui ne verra pas le jour. Au passage, Cendrars lui suggère de choisir le titre Alcools plutôt qu’Eaux-de-Vie pour le recueil de poèmes qu’il prépare… Bientôt, les deux amis s’éloignent.
Alcools paraît en 1913 et popularise des innovations reprises ensuite par d’autres : la suppression de la ponctuation et les calligrammes, ces poèmes-dessins. C’est encore trop moderne pour la critique et le public, excepté certains dont les futurs surréalistes.
Apollinaire passe à Nice en septembre 1914, 26 rue Cotta (aujourd’hui rue Alfred Mortier), avant de rejoindre son régiment à Nîmes.
Le 17 mars 1916, soldat au front, il lit Le Mercure de France sous un bombardement ordinaire, quand un éclat d’obus lui perfore la tempe droite. Le 9 mai, il est opéré d’un abcès crânien à la villa Molière, 57 bd de Montmorency à Paris. Il se repose ensuite à l’hôpital du Val-de-Grâce et reprend peu à peu une vie normale, collaborant à Excelsior, Nord-Sud, créée par Pierre Reverdy en 1917 (la revue s’éteint en mai 1918), SIC, créée en 1916, L’Information… Il réunit ses compères le mardi au café de Flore ; il rencontre Breton et lui présente Philippe Soupault.
Le 24 juin 1917, sa pièce Les Mamelles de Tirésias est jouée au théâtre Renée-Maubel à Montmartre. Apollinaire lance à cette occasion le terme "surréaliste", appelé à un bel avenir. La pièce, bien sûr, crée un beau scandale.
Il meurt dans son appartement du bd St-Germain, le 9 novembre 1918, deux jours avant l’armistice, de l’épidémie de grippe espagnole qui attaque la capitale.
On peut mentionner une dernière adresse parisienne du poète : le 63 rue Notre-Dame-des-Victoires, où il a été employé de la banque Lepère.
Petite bibliographie
Les écrivains de Montmartre, Le Promeneur des lettres, 6 rue Raffet, 75016 Paris (tél. 01 40 50 30 95).
"Le vol de la Joconde" bd de Jean Yves Le Naour (textes) et Didier Bontemps (dessins), éd. roymodus.
21 août 1911, vers sept heures du matin, un individu vêtu d’une blouse blanche dérobe le tableau le plus célèbre du monde au beau milieu du musée du Louvre. La Joconde a disparu !
Pour retrouver le chef d’œuvre que son auteur Léonard de Vinci, avait cédé par testament à la France depuis 1519, le célèbre Préfet Lépine apporte son concours à l’enquête en la confiant au plus fin limier du pays, le commissaire Vaud.
Sur fond de préparation de la Grande Guerre, commence alors l’histoire la plus drôle, la plus loufoque, la plus rocambolesque - et malheureusement véridique - des annales de la Police française. Parce qu’il n’a aucune piste, le commissaire Vaud soupçonne le monde entier ; tour à tour l’Allemagne, les Belges, l’Argentine, L’Italie, les milliardaires Américains, les Juifs, les journalistes et surtout ces deux métèques de la bohème que sont Pablo Picasso et Guillaume Apollinaire.
Toutes ces pistes ne tiendront ni à fer ni à clou ! Ne reste du clou de la collection du Louvre que quatre clous de fixation.
Mona Lisa échappe à tous.
Un récit histori-cocorico-hystérique …
Bonjour. Encore un article passionnant et fort bien documenté. Bravo ! Pouvez-vous préciser pourquoi vous donnez le 32 rue La Fontaine pour le domicile de Marie Laurencin et sa mère, alors qu’on le situe habituellement au 10 de cette même rue ? Cordialement.
Philippe BOISSEAU