Charles DICKENS à Paris

Le jeudi 14 août 2003.
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Paris, 48 rue de Courcelles.

[À Londres, j’ai] au moins trois kilomètres de rues éclairées la nuit, pour me promener ; et un vaste théâtre pour m’y rendre chaque soir.
Lettre à John Forster, Gênes, 1844.

Lecture d’Our Mutual Friend qui me rend jaloux de Dickens, mais il faut dire que les scènes où interviennent les bons sentiments sont au-dessous de tout. Il en fallait pour le public, je pense, pour le succès.
Julien Green. Journal, 31 janvier 1960.

Dickens a besoin d’une ambiance pour écrire : le remue-ménage d’une auberge ou d’un salon et, au-delà, un environnement qui le nourrisse en fonction des besoins du récit. Il est surtout un citadin, et c’est la vie de la ville qui l’inspire le plus.

En 1846, à la recherche d’"environnements", l’écrivain-marcheur séjourne avec sa famille et quatre secrétaires-servantes à Lausanne, Genève et Paris.
Il a trente-quatre ans, une femme et six enfants. Il écrit des nouvelles et des romans depuis 1833. Le succès inattendu de The Pickwick Papers, dix ans auparavant, l’a décidé à tout miser sur l’écriture.

De Suisse, il fait part à John Forster, son meilleur ami, de ses difficultés pour écrire Dombey and Son, dont la parution a déjà commencé en feuilletons : ni à Genève ni à Lausanne il ne trouve pour l’inspirer l’intensité de la vie des rues d’une grande ville.
Alors que Londres l’attire par ses ténèbres et la confusion des existences, Paris, où il se dirige en novembre 1846 après Genève, le transporte par son éclat et sa lumière. Il y avait déjà été de passage en juillet (hébergé à l’hôtel Meurice, 228 rue de Rivoli) et novembre 1844, à l’aller et au retour de son voyage à Gênes en passant par Lyon, Avignon et Marseille. En décembre, en route à nouveau pour l’Italie, il s’était arrêté brièvement à Paris et avait rencontré Victor Hugo, Théophile Gautier, Alexandre Dumas, Delacroix, Alfred de Vigny.
Mais c’est entre novembre 1846 et janvier 1847 que Dickens, marcheur et observateur insatiable, prend vraiment le temps de découvrir Paris. D’abord installée à l’hôtel Brighton, la famille loue une "maison de poupée" 48 rue de Courcelles. Malgré la vie parisienne, il poursuit avec beaucoup de peine Dombey and Son, histoire d’une faillite familiale. "Je me suis mis à détester mon bureau, et suis descendu dans le salon ; ai été incapable de trouver un coin convenable ; ai sombré dans la contemplation du mois qui déclinait ; suis resté assis six heures de suite"… pour écrire six lignes… Il rencontre Eugène Sue.
À la fin de son séjour, il est rejoint par Forster, avec qui il visite les coins et recoins de la capitale.

À l’image de Londres, Paris est pour Dickens un labyrinthe qui renvoit au dédale de la vie sociale et personnelle de ses héros -et de ses lecteurs. Par la grâce de son style, il donne aux personnages et aux situations qu’il décrit un aspect encore plus réel que la réalité.
Les deux villes sont aussi le siège de régimes politiques et économiques oppresseurs qu’il dénonce imperceptiblement dans ses romans.

Si Dickens fait par la suite d’autres séjours à Paris (certains très courts, comme en février 1855 avec son co-auteur Wilkie Collins, ou en mai 1864 et en 1865, souvent pour prendre des vacances après l’achèvement d’un roman ou d’une tournée de lectures publiques), il séjourne aussi à Boulogne [1] . L’été 1853 lui fait en effet découvrir, au dessus de Boulogne, le château des Moulineaux, dont il connaît le propriétaire et où il achève Bleak House. Ses principales autres adresses parisiennes sont :
- le 49 Champs-Elysées (où est aujourd’hui situé un certain pub). D’octobre 1855 à avril 1856, il loue six petites pièces à l’entresol et au premier étage. Entre deux séances de travail sur Little Dorrit et d’autres visites dans Paris (il est en particulier frappé par la vie qui grouille autour de la Bourse), il profite de ce séjour pour rencontrer artistes et écrivains, dont Lamartine et George Sand. Dickens s’exprime dans un français accentué mais fort correct, qui fait l’admiration de ses interlocuteurs. De mai à septembre, il se trouve à nouveau au château des Moulineaux à Boulogne.
- un appartement rue du Faubourg Saint-Honoré, qu’il loue en octobre 1862.
- l’hôtel du Helder, où il occupe un appartement en janvier 1863, lorsqu’il fait à Paris des lectures publiques de son oeuvre.

Autres demeures de l’auteur
Dickens repose, à côté de Kipling et de quelques autres, dans l’Abbaye de Westminster, à Londres.

[1] Informations complémentaires : (source : www.literatureandplace.org.uk) : "On July 2nd 1844 the Dickens family arrived off the steam packet from Dover. The family stayed at l’hôtel des Bains in Boulogne, n°69 rue de l’écu (now rue Victor Hugo), before leaving for Genoa in Italy the following day. In early September 1852 Dickens, his wife Catherine, and Georgina Hogarth, Catherine’s junior of 12 years, embarked for Boulogne-sur-Mer for two weeks during which they stayed at l’hôtel des Bains. As he returned there, Charles Dickens must have liked the town of Boulogne, the following year he rented the property of M. Beaucourt-Mutual there : le château des moulineaux. As Charles Dickens liked to make known the towns of his holidays he published an article on Boulogne-sur-Mer in Household Words on November 4th 1854 entitled : "Our French Watering Place". He had published another article in 1851 on Broadstairs : "Our English Watering Place"." Source : www.literatureandplace.org.uk : "The Dickens family and Miss Hogarth spent the summer of 1853 at the château des Moulineaux in Boulogne, owned by M. Beaucourt-Mutuel and situated where the present-day lycée Mariette is, rue Beaurepaire. Dicken’s letters at the time tell of the happiness of living in Boulogne in M. Beaucourt-Mutuel’s house and of the beauty of the property. Dickens wrote of the town itself and of the hospitality of the landlord. By October 1853 the family has returned to England with the exception of Dickens himself who was in Switzerland, and two of his sons, Franck and Alfred, who became pupils at a private boarding school."



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