"Figaro a tué la noblesse."
Danton.
Si son Figaro ne l’avait pas fait connaître, il aurait bien traversé l’histoire pour d’autres raisons… Beaumarchais écrit entre deux opérations commerciales, diplomatiques ou politiques [1], comme un patron ou un politicien du XXIème siècle… avec seulement un peu plus d’inspiration.
Pierre Augustin Caron n’a pas, loin s’en faut, commencé par les lettres. Et, à la différence de beaucoup d’autres écrivains, il n’a pas toujours échoué dans ses autres activités…
Il naît rue Saint-Denis à Paris, en 1732, fils à cinq sœurs d’un horloger (la boutique paternelle se trouvait, d’après certains, à l’angle de la rue Saint-Denis et de la rue de la Ferronnerie).
Il fréquente plus tard le couvent des minimes à Vincennes.
À vingt-et-un ans, marchant dans les pas de son père, il invente l’"échappement" qui transmet le mouvement du ressort à l’ensemble des rouages d’un mécanisme - et dont vous profitez peut-être, en ce moment-même, à votre poignet. Dépossédé de cette invention par l’horloger du roi, il proteste et l’Académie des Sciences lui donne raison. Cela lui ouvre les portes de la cour à Versailles !
En 1756, il épouse une veuve, prend le nom de "Beaumarchais", du nom de la propriété de sa femme à Valgrand (aujourd’hui Vert-le-Grand, près d’Arpajon) et s’installe rue de Braque.
Il est veuf à son tour un an plus tard, emménage 17 rue Basse-du-Rempart (correspondant aujourd’hui au côté pair du boulevard de la Madeleine), et devient professeur de harpe des filles de Louis XV vers 1760.
Pour plaire à ses puissants protecteurs, il compose des "parades" à partir de la fin des années 1750.
Il a par ailleurs le bonheur de se lier à l’un des plus grands financiers du siècle, Pâris-Duverney (avec qui il échangera nombre de messages codés encore indéchiffrés de nos jours).
Vers 1763, il s’installe 26 rue de Condé, logement qu’il occupe jusqu’au premier de ses cinq séjours en prison, en 1773.
Bientôt, il commence à servir des intérêts commerciaux et diplomatiques de la couronne : ouvrir la Louisiane au commerce français, museler des opposants au roi à Londres, en Hollande ou en Autriche, soutenir en sous-main les insurgés américains…
Des rivalités financières et amoureuses le font parfois atterrir en prison ou le forcent à prendre l’air à l’étranger.
Il a pris goût à l’écriture dramatique et, avec Diderot, Sedaine et Mercier, il enterre la tragédie en lui préférant le drame, plus proche des préoccupations de ses contemporains.
En 1775, après deux pièces sans succès, il se laisse inspirer par Molière et s’essaie à la comédie : Le Barbier de Séville [2] connaît un grand succès après que Beaumarchais, en trois jours, l’ait raccourci d’un acte inutile.
En 1776, il loue l’hôtel des Ambassadeurs de Hollande, 47 rue Vieille-du-Temple. C’est là que, pour sortir de difficultés avec les comédiens qui ont un peu de mal à accepter ces nouveaux genres, il crée en 1777 la Société des auteurs dramatiques.
C’est là également qu’il reçoit Rétif de La Bretonne, à qui il souhaiterait confier l’édition des oeuvres complètes de Voltaire (Beaumarchais l’admire). Rétif refuse, ayant perdu son savoir faire d’imprimeur. Cette édition verra tout de même le jour juste avant la révolution de 1789, mais sera un fiasco financier.
Beaumarchais s’élève contre Louis XVI qui interdit Le Mariage de Figaro. Le roi cède bientôt, tout en prédisant avec justesse que le succès de la pièce annonçait la prise de la Bastille (nous sommes en 1784…).
Avec une partie des recettes du Mariage, Beaumarchais fonde, dans son hôtel de la rue Vieille-du-Temple, un institut de bienfaisance… et se fait construire, en 1787, une grande propriété près de la Bastille (sur un vaste terrain couvert aujourd’hui par le début du boulevard Beaumarchais).
En 1793, la Révolution fait de lui un émigré (direction Hambourg). Le Directoire l’autorise en 1796 à revenir à Paris, où il meurt en 1799.
Signalons qu’au 11 rue de Sévigné se trouvait le Théâtre du Marais, construit par Beaumarchais… avec des matériaux récupérés de la prise de la Bastille. Le théâtre arrêta son activité en 1807 et fut démoli en 1812.
Autres demeures de l’auteur
Beaumarchais tenait de sa seconde femme une maison à Pantin (à la hauteur du 123 de l’actuelle avenue Jean-Lolive, et la propriété s’étendait au nord jusqu’à la rue Victor-Hugo sur le terrain aujourd’hui occupé par le lycée technique Simone-Veil), près de Paris.
Pour visiter le lieu
Aucun lieu n’est ouvert au public, outre… le théâtre de l’Odéon et le café Procope !
Petite bibliographie
Beaumarchais, le voltigeur des lumières. Jean-Pierre de Beaumarchais. Gallimard Découvertes.
Beaumarchais ou l’impertinence. Le Monde dossiers et documents littéraires n°26, janvier 2000, 13 F.
Beaumarchais, le parisien universel. Patrice Boussel. Berger-Levrault 1983.
[1] Son rêve - qu’il réalise - est de devenir espion de Louis XV, puis de Louis XVI.
[2] L’histoire d’un amant (Almaviva) qui parvient à épouser sa belle (Rosine), au nez et à… la barbe de son tuteur, avec l’aide de Figaro, barbier de ce dernier.