Les Dadas et le Café Certâ

Le dimanche 2 octobre 2005.
« Il n’y a personne des Dadas monsieur », répondait la caissière du « Certâ » à Aragon quand il appelait un ami ! »

Par Bernard Vassor, auteur du blog http://bernardvassor.canalblog.com.

Le passage de l’Opéra qui reliait le boulevard des Italiens (6), à la rue Le Peletier (8), comportait également deux autres galeries (de l’Horloge, et du Baromètre).
La partie dite passage de l’Opéra avait été formée lors de la construction de « l’Académie Royale de Musique », et allait de la galerie du thermomètre jusqu’à la rue Pinon, emplacement actuel de « l’Hôtel des ventes Drouot rue Rossini ».
Ils avaient été ouverts par le Vicomte Morel de Vindé, pair de France, le 21 juillet 1822 et le 16 avril 1823. La largeur de ces galeries était de 3,74 mètres.

Depuis le second Empire, cet endroit était réputé pour ses « marcheuses », « le théâtre pornographique de Chirac », ses pâtisseries, ses restaurants et de nombreux cafés d’écrivains, dont le plus célèbre a été le Divan Le Peletier. C’est dans une de ses galeries, la galerie du Baromètre, qu’un basque nommé Certâ avait ouvert un café qui passera à la postérité. Le décor est sommaire, des tonneaux autours desquels des tabourets cannés et des fauteuils de paille composent le seul ameublement. La fin de la guerre de 1914-1918 voit arriver des intellectuels étrangers, faisant de Paris la capitale des arts.
C’est ainsi que le roumain nihiliste Tristan Tzara, Max Ernst, Jean Arp, Fraenkel, vont, après le Manifeste Dada de 1918, former un groupe et se lier avec Aragon, Breton, Reverdy, Eluard, Picabia.
Georges Auric fera le récit suivant de la première réunion au « Certâ », Tzara assistant incognito à la réunion :
Cela se passait en janvier 1920, et Breton m’annonça soudain, comme s’il s’agissait d’un événement inespéré et d’une sorte de cérémonie initiatique (…) [1] « Vous devriez venir au Certâ vers la fin de l’après-midi, il y aura quelqu’un… Oui quelqu’un je vous promet [sic ?] une belle surprise !, lui dit Breton, qui poursuit : Cela va être intéressant cette visite de Tzara, nous venons de nous rencontrer et tout de suite il m’a alerté : surtout, n’apprenez à personne que je suis là. Je vais aller dans ce café, m’asseoir directement à une table, voir nos amis et leurs têtes, les observer.
A cette réunion étaient également présents Drieu, Gonzague-Fric, Radiguet et vraisemblablement Henri de Montherlant.
De ce bistro furent fomentés les actions symboliques : le procès de Barrès, les attaques et « manifestations dérisoires et légendaires » comme « la visite à Saint-Julien-le-Pauvre » le 14 avril 1921.
Le vendredi était le jour de lecture de poèmes avec pour participants Apollinaire, Cendrars, Reverdy, Max Jacob. Des comédiens participaient aussi à ces lectures dont Marcel Herrand, le formidable Lacenaire des « Enfants du Paradis ».

Les coups de pioches ont eu raison du passage de l’Opéra pour le percement du boulevard Haussmann en 1923, exit le théâtre de Chirac et le petit bistro de la galerie du baromètre.

Sources :
Journal des Goncourt éd. Bouquin
Aragon, Le Paysan de Paris
Alain Rustenholz Paris des avant-gardes Parigramme 2004
Archives de Paris.
Archives privées.

[1] A son arrivée à Paris, Tzara était attendu comme on aurait attendu Rimbaud « cet adolescent sauvage ».



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