Le Paris pré-révolutionnaire, autour du Palais-Royal

Le samedi 9 avril 2005.

Plongeons au cœur du Paris pré-révolutionnaire, de ses cafés et de ses salons philosophiques, lieux incontournables d’informations et d’échanges d’idées à une époque où les journaux sont encore rares .

1) L’hôtel de Madame d’Epinay, protectrice de Rousseau, se trouvait dans les années 1770 au niveau du 5 rue de la Chaussée-d’Antin. Elle y héberge son autre protégé Frédéric Melchior Grimm, et c’est ici qu’elle décède en 1783. L’hôtel a été détruit en 1860 par le percement de la rue Meyerbeer.

2) L’hôtel de Madame Geoffrin existe toujours 374 rue Saint-Honoré (plaque). Ici se rencontrent entre 1750 et 1777 d’Alembert, Marivaux, Grimm, d’Holbach, Helvétius, Hume, Walpole, Montesquieu, Voltaire, mais aussi les peintres La Tour, Vernet, Greuze, Van Loo, Boucher, Hubert Robert… Ni comtesse ni marquise ni duchesse, Madame Geoffrin était de petite naissance… et fâchée avec l’orthographe. Mais son intelligence et sa finesse lui gagnaient rapidement les confidences de ses invités.

3) À hauteur du 239 rue Saint-Honoré se trouvait le cimetière des Capucins, près duquel est situé entre 1748 et 1762 l’hôtel de Madame d’Epinay. A cette époque, celle-ci tient aussi salon dans son château de la Chevrette à Montmorency .

4) Au 270 de cette même rue (plaque) vit Olympe de Gouges. Fille d’une servante et d’un boucher devenue écrivain, féministe et révolutionnaire, elle défend avec tant d’ardeur les droits des femmes, des mères célibataires, des esclaves, des enfants, etc., qu’elle finit guillotinée en 1793. Outre la Déclaration de la femme et de la citoyenne, elle écrit un nombre important de romans, de pièces de théâtre et de pamphlets.

5) Entre 1681 et 1854, le Café de la Régence se tient à l’angle ouest de la place Colette et de la rue Saint-Honoré. Diderot, qui le fréquente comme Grimm, Voltaire et bien d’autres, y plante le décor du Neveu de Rameau. Rousseau y apparaît un jour mi-1770, provoquant un attroupement de curieux.
Entre 1854 et la fin des années 1970, le café est établi 161 rue Saint-Honoré.

6) Au niveau des premiers numéros pairs de la rue Molière (à l’époque, rue Traversière) se trouvait la maison de Monsieur et Madame du Châtelet, où vit Voltaire en 1746 puis en 1749-50. Il connaît Madame du Châtelet depuis 1734 et elle est devenue son amante… jusqu’à ce que Saint-Lambert lui fasse un enfant. Elle meurt en accouchant en septembre 1749. Saint-Lambert, lui, mourra dans l’hôtel Beauvau (place Beauvau) en 1803. Académicien, collaborateur de L’Encyclopédie, il collectionne les conquêtes féminines, non seulement Madame du Châtelet, mais aussi, pendant 47 ans, Madame d’Houdetot, belle-sœur de Madame d’Epinay et ravie à Rousseau… Revenons à Voltaire. Pour lui, une nouvelle maîtresse, c’est de l’émulation intellectuelle en plus. Il dit de Madame du Châtelet qu’elle lui apprend à penser. Un produit de cette période est par exemple Zadig, publié en 1747. Il revient vivre ici quelques semaines en 1750 avec sa nièce et maîtresse, Madame Denis, avant de s’exiler à Berlin.

7) Diderot décède le 31 juillet 1784 au 39 rue de Richelieu (plaque).

8) Au 16 et 18 rue Sainte-Anne, au croisement avec la rue Thérèse, se trouve jusqu’en 1875 l’hôtel du philosophe Helvétius, où il est né en 1715. Il y reçoit les Encyclopédistes, Buffon, Fontenelle… de 1760 à sa mort en 1771. Son ouvrage De l’Esprit est condamné en 1759 pour outrage à la religion et aux mœurs, et Helvétius doit le renier. Fils d’un médecin hollandais enrichi par la découverte d’un remède importé du Brésil, Helvétius était également fermier général et financier. D’une grande beauté comme son mari, Madame Helvétius était apparentée à la reine Marie-Antoinette.

9) L’autre foyer de sédition du quartier (aux yeux des dévots de l’époque) se trouve 8 rue des Moulins (alors rue Royale-Saint-Roch) : c’est l’hôtel où demeure le baron d’Holbach de 1759 à sa mort en janvier 1789, et où se retrouvent à dîner les Encyclopédistes, le dimanche et le jeudi. La cuisine a la qualité de la conversation.

10) Rousseau et Thérèse Levasseur logent dans une mansarde du 57 rue des Petits-Champs, (rue Neuve-des-Petits-Champs jusqu’en 1881) vers 1745, au début de leur vie commune. Thérèse, jeune lingère illettrée, est la compagne du philosophe jusqu’à la fin de sa vie.

11) Au 65 rue Sainte-Anne se trouve une maison ayant appartenu au marquis de Girardin, qui accueille, chez lui à Ermenonville, Jean-Jacques Rousseau quelques semaines avant sa mort, en 1778.

12) Au 102 rue de Richelieu a disparu un hôtel acheté par Voltaire en 1778 et dans lequel Madame Denis, sa nièce, vit jusqu’à 1790.

13) Bougainville meurt 5 rue de la Banque en 1811 (plaque), quarante ans après avoir fait paraître son Voyage autour du monde.

14) En décembre 1731, Voltaire s’installe chez la baronne de Fontaine-Martel dans ce qui ne sera qu’en 1782 la rue de Valois (à hauteur du n°20). La Banque de France a depuis pris possession des lieux. Voltaire a alors trente-huit ans, la baronne en a plus de soixante-dix. Leur plaisir commun est de recevoir et de faire jouer du théâtre, dont des pièces de Voltaire. Suite au décès de la baronne, il quitte en mai 1733 l’hôtel de la Fontaine-Martel qui avait également une entrée 29 rue des Bons-Enfants - partie de la rue disparue aujourd’hui, au profit encore de la Banque de France.

15) Au 20 rue Croix-des-Petits-Champs, un immeuble récent occupe l’emplacement du Café allemand tenu de 1748 à 1784 par Madame Bourette, la « Muse limonadière », et fréquenté entre autres par Voltaire.

16) Sade emménage 5 rue du Bouloi (alors rue du Bouloir), dans un bâtiment aujourd’hui disparu. Nous sommes en avril 1790, après sa libération de Charenton. Il n’a pas un sou, et c’est sa belle famille - qui vient de l’envoyer en prison - qui l’aide à s’installer ici.

17) De fin 1749 à 1756, Jean-Jacques Rousseau et Thérèse Levasseur habitent au 4e étage de l’hôtel du Languedoc, rue de Grenelle-Saint-Honoré (devenue en 1868 la partie sud de la rue Jean-Jacques Rousseau).

18) Rousseau vit 2 rue Plâtrière jusqu’à son départ pour Ermenonville en 1778. Sa maison a disparu avec la percée de la rue du Louvre. Elle est signalée par une plaque située 52 rue Jean-Jacques Rousseau.



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