"Né pour bêcher un coin, je voudrais remuer toute la terre."
Journal, 17 septembre 1906.
"Quelle manie de dire des mots d’esprit aux gens quand on voudrait les embrasser !"
idem, 1er janvier 1895.
Il a vécu tout ce qu’il a écrit. Dans ses oeuvres ou son Journal, il écrit tout ce qu’il vit, pour ne pas le dire ni le laisser paraître.
Il écrit aussi pour briller et ne plus douter de lui-même, depuis que ses parents ne l’ont pas aimé.
Et bientôt, à ses inquiétudes s’en joint une autre : la peur de trahir la vérité par l’emploi des mauvais mots ou de trop de mots. Pendant une grande partie de sa vie, une question l’obsède : faut-il préférer l’exactitude d’une phrase ou la beauté poétique d’une image ?
Jules Renard naît à Chalons-du-Maine le 22 février 1864 parce que son père était venu y surveiller les travaux de construction du chemin de fer. Ce dernier lui dira un jour : "Tu es venu sans que je le veuille".
Entre ce père silencieux, une mère qui se sait plus aimer et un frère aîné indifférent et moqueur, la vie s’annonce joyeuse…
Après quelques mois à Chalons puis quelque temps à construire un pont sur la Viette dans les Deux-Sèvres, la famille retourne en 1866 à Chitry, la terre paternelle (le grand-père paternel n’est jamais sorti de Chitry).
En 1875, Jules est pensionnaire à l’institution Saint-Louis à Nevers. Dans ces années, il découvre Les Confessions de Rousseau et les oeuvres d’Hugo, Flaubert et Maupassant, La Bruyère et La Fontaine.
Il arrive à Paris en 1881 pour être lycéen à Charlemagne et occupe une chambre au 5ème ou 6ème étage de l’Hôtel Saint-Magloire, rue Jean-Lantier, puis loge 47 rue Saint-Placide. Il renonce bientôt à l’École Normale Supérieure.
En 1885-1886 un service militaire à Bourges l’éloigne temporairement de Paris, où il revient ensuite chercher un emploi alimentaire et surtout faire son trou dans les journaux, chez les éditeurs et au théâtre.
Le succès n’est pas pour tout de suite. Il habite début 1888 l’Hôtel des Étrangers, 24 rue Tronchet, près de sa fiancée qui habite 44 rue du Rocher (la rue du Rocher sera son adresse parisienne jusqu’à sa mort en 1910). Son mariage améliore sa situation financière.
Lorsqu’en 1889 de jeunes écrivains fondent le Mercure de France, Renard est un des principaux actionnaires.
En 1894 paraît Poil de Carotte, dont la naissance remonte à cinq ans plus tôt, lors de la venue au monde, à Chitry, de Fantec (Pierre-François), le fils de Jules et de Marie Renard. Le comportement manifesté alors par la mère de l’écrivain à l’égard de sa brue a ravivé de tristes souvenirs d’enfance. Renard écrit pour se venger. Il en profite pour montrer, à travers Poil de Carotte, les bons et mauvais instincts de l’enfant, jusque là angelot (chez les écrivains romantiques) ou victime (chez Daudet, Vallès ou Malot).
"Voilà un livre dont on peut dire que ce n’est pas un cadeau à faire à sa famille", écrit Renard à sa soeur, entendant sûrement par là plusieurs significations possibles.
À partir de 1896, il loue chaque année, d’avril-mai à octobre, La Gloriette, une belle maison à quelques centaines de mètres de la maison de Chitry.
Son père, malade, se suicide en juin 1897.
En 1900, Renard est un "Mousquetaire" aux côtés de Capus, Tristan Bernard et Lucien Guitry.
Il est maire de Chitry entre 1904 et sa mort, entretenant une drôle de relation avec les habitants de la région qu’il compare à des poireaux en s’étonnant qu’ils ne gèlent pas l’hiver (ils lui en garderont une belle rancune).
En 1909, sa mère disparaît dans le puits du jardin de la maison de Chitry.
Il envisage de revenir habiter cette maison, mais la mort l’en empêche l’année suivante.
Pour visiter le lieu
La maison de Poil de Carotte-Jules Renard ne se visite pas à Chitry, pas plus que La Gloriette. Toutes deux sont signalées par une plaque.
À voir aux alentours
Présences littéraires aux alentours :
Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye,
Romain Rolland à Clamecy et Vézelay,
Jules Roy à Vézelay,
Rétif de la Bretonne à Sacy.