Comment présenter Jean-Bertrand Pontalis, polyvalent de la littérature, aussi bien écrivain, philosophe que psychanalyste, qui aimait à dire : « Dans amateur, il y a aimer : celui qui aime, et celui qui fait aimer les choses. » Il est tour à tour éditeur le matin et psychanalyste… plus écrivain le reste du temps. « Je n’aime pas les classifications. Et j’adore le mélange des genres », souligne-t-il.
Issu de la grande bourgeoisie protestante, il est est l’arrière petit-fils d’Antoine LefèvrePontalis, un cacique de la IIIè république et le petit-neveu de l’industriel Louis Renault et fréquente les meilleurs établissements de la capitale : le lycée Pasteur d’abord puis le lycée Henri IV et la Sorbonne où présente en 1945 son étude sur le philosophe spinoza et passe l’agrégation de philosophie en 1948. Lors d’une interview en 2009 [1], ce "sage", dont on dit qu’il cultive le silence [2]7, possède une séduction naturelle faite de retenue. Sur son bureau de la rue Sébastien-Bottin aux éditions Gallimard [3], le portrait d’un enfant mélancolique de neuf ans qui vient de perdre son père. Sa mère est « si peu vivante, si soucieuse, si seule. Sa solitude à lui, le petit garçon, et sa solitude à elle ne se rejoignent pas », écrit-il dans Le Dormeur éveillé. [4]
De l’autre côté du bureau, une photo à 25 ans, du temps de Saint-Germain-des-prés où on le voit avec Boris Vian, Raymond Queneau et Jean-Paul Sartre. C’est grâce à Sartre qu’il sera professeur de philo et plus tard à Lacan qu’il deviendra psychanaliste. Il n’a que la rue à traverser pour retrouver sa maison et son cabinet. Cette vocation vient aussi du rapport au frère aîné, le préféré de sa mère, nièce de l’industriel Louis Renault, histoire personnelle qu’il évoque dans son livre Frère du précédent et dont il dit « mon frère n’avait pas de métier, c’était un garçon brillant, il avait la velléité d’écrire. C’est une ténébreuse affaire. » [5]
Ce qui l’intéresse avant tout, ce sont les MOTS, ceux de ses patients, ceux des écrivains, ceux qu’il écrit, essayant comme analyste de « de rendre sensible… cette rencontre entre deux inconnus. » Son biographe Claude Janin [6]7 qualifie son style de « mouvement léger et intense, caractéristique de la pensée au travail. »À 85 ans, il vient de publier Le Songe de Monomotapa et confie qu’il a gardé « gardé un goût de vivre qui fait bon ménage avec un fond nostalgique. La balance se fait plutôt bien ». Etranger à l’élaboration d’un corpus théorique personnel, il écrit dans Frère du précédent, « je ne suis pas un théoricien, je n’ai rien à défendre. »
Christian Broussas, Feyzin mars 2013
Repère bibliographiques
François Duparc (dir.), Fenêtres sur l’inconscient : l’œuvre de J.-B. Pontalis, Delachaux & Niestlé, coll. Textes de base en psychanalyse, 2002
Le Royaume intermédiaire - autour des écrits psychanalytiques et littéraires de Jean-Bertrand Pontalis, Colloque de Cerisy-la-Salle, 10-17 septembre 2006
Livre audio : J.B. Pontalis par Daniel Pennac - une lecture égoïste, CD collection À haute voix
Vidéo Littérature et psychanalyse
[1] "Le sage qui éclaire notre intime", interview publiée le 5 février 2009 dans Ouest-France.
[2] "Initiales J.-B.", publié dans Le Figaro le 21 juin 200
[3] En 1979, il entre au comité de lecture des Éditions Gallimard et en 1989 crée la collection "L’un et l’autre" chez Gallimard.
[4] De ce refus de la perte, il fera un livre en 1988 intitulé "Perdre de vue"
[5] "Frère du précédent", éditions Gallimard, 201 pages, 2006, Prix Médicis Essai
[6] Claude Janin, J.-B. Pontalis, Psychanalystes d’aujourd’hui, P.U.F., 199