Les lois qui régissent l’accès aux archives publiques constituent l’un des indicateurs les plus fiables du degré de démocratie qui règne dans un pays. Rappelant que la loi du 7 messidor an 2 (1794) avait fait des archives un bien public et ouvert leur consultation à tous les citoyens, le CVUH constate :
De même que la loi du 3 janvier 1979 avait, sous couvert de raccourcir les délais de communication, retardé de 10 ans l’accès aux archives de la période de Vichy, aujourd’hui le projet de loi repousse de 15 ans encore l’accès aux archives de la guerre d’Algérie. Cette catégorie d’archives sera en effet soumise à un délai de 75 ans, alors que le délai actuel est de 60 ans. Ainsi, pour avoir un libre accès à tous les documents publics concernant la guerre d’Algérie, il faudra attendre 2037 (1). Qui plus est, l’article L 213-2-II crée une nouvelle catégorie d’archives incommunicables au nom de la « sécurité nationale » ou de la « sécurité des personnes ».
On s’interroge alors sur les points suivants :
1. Qu’entend le législateur par des « archives publiques dont la communication porterait atteinte à la « sécurité des personnes » ? Pourquoi ne pas avoir suivi les recommandations du conseiller d’Etat, Guy Braibant, émises dans son rapport au Premier ministre en 1996, afin d’éviter l’utilisation abusive de la notion de vie privée étendue aux actes commis dans l’exercice des fonctions ou sous l’uniforme ?
2. Pourquoi perpétuer le système de dérogations, pratique dont Guy Braibant soulignait le risque d’écriture d’une histoire échappant au contrôle des sources par des personnes travaillant sur le même sujet de recherche ?
Par ailleurs, le CVUH s’inquiète sur les moyens qui seront alloués aux Archives nationales afin qu’elles puissent collecter, traiter et rendre accessibles les documents publics, alors qu’on annonce le remplacement d’un seul départ à la retraite sur deux dans la fonction publique.
Du rapport de Guy Braibant n’aura finalement été retenu que le délai de 25 ans, substitué au délai trentenaire précédent, dont sont exclus de facto les documents permettant aujourd’hui de répondre au besoin de connaissance du passé national émanant de la société, qu’il s’agisse des pages sombres ou non de l’histoire. En conséquence, le CVUH estime que ce projet de loi aggrave les conditions actuelles d’accès aux archives et porte atteinte aux droits des citoyens.
Source : http://cvuh.free.fr/spip.php ?article174 (site du Manifeste du Comité de Vigilance face aux usages publics de l’histoire). Voir aussi www.archivistes.org/article.php3 ?id_article=578 et www.la-croix.com/article/index.jsp ?docId=2336428&rubId=788.