A Istambul avec Pierre Loti

Le lundi 10 juillet 2006.

“ Déjà voici les kiosques impériaux et les grands harems ; puis la série des palais tout blancs aux quais de marbre. Et enfin, là-bas et là-haut, sortant tout à coup d’une brume qui se déchire, la silhouette incomparable de Stamboul.

Oh ! Stamboul est là ! bien réel, très vite rapproché maintenant, sous un éclairage net et banal, ramené à son apparence la plus ordinaire, que dix ans de rêve m’avaient un peu changée, mais presque aussi beau pourtant que dans mon souvenir. Et je m’étonne d’être de plus en plus tranquille d’âme, causant même avec les compagnons de route que le hasard m’a donnés, et leur nommant comme un guide les palais et les mosquées. Le mouillage est bruyant en milieu du fouillis des paquebots, des voiliers, portant tous les pavillons d’Europe. Et aussitôt commence l’invasion furieuse des bateliers, des douaniers et. des portefaix ; cent caïques nous prennent à l’assaut, et tous ces gens, qui montent à bord comme une marée, parlent et crient dans toutes les langues du Levant. Oh ! je connais si bien cela, ce brouhaha des arrivées, ces voix, ces intonations, ces visages ; et cet amas de navires autour de nous, et ces fumées noires – au-dessus desquelles montent, là-bas dans le ciel clair, les dômes des saintes mosquées ! Je me mêle moi-même à tout ce bruit ; d’ailleurs les mots turcs, même les plus oubliés, me reviennent tous ensemble. Avec des bateliers pour mon passage, avec des portefaix pour mes malles, je discute des questions qui me sont absolument indifférentes, par besoin de m’agiter et de parler aussi. Jusque dans la barque, où je suis enfin installé avec mes valises, je continue je ne sais quel étonnant marchandage, – et ainsi presque sans émotion, à part un tremblement peut-être quand mon pied s’y pose – , je me trouve à terre, sur le quai de Constantinople.”

Pierre Loti, Fantôme d’Orient

Extrait de Voyage en Turquie avec Pierre Loti

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